En l’espace d’à peine un mois, Farah (une fillette de 10 ans) et Mariem Dhibi trouvèrent respectivement la mort dans des bouches d’égout à Bir Lazrag et dans la région d’Enfidha. A qui incombe la faute ? Faut il attendre d’autres drames touchant nos enfants pour enfin réagir ?
Trop c’est trop. Il y a à peine un mois, précisément le 5 octobre 2020, les Tunisiens se réveillent sur un triste et terrible « fait divers » : Farah, une fillette suivait sa maman que l’extrême pauvreté poussait à ramasser des bouteilles en plastique pour survivre et nourrir son enfant. Elle est tombée dans une bouche d’égout dans la région de Bhar Lazrag limitrophe de la ville cossue de La Marsa.
Une couverture de contreplaqué
Comble de l’horreur : selon des témoignages concordants, la bouche d’égout qui avait happé la malheureuse fillette n’était recouverte que par une vulgaire plaque de contreplaqué.
A noter que ce cas n’est pas isolé. Car à chaque goutte de pluie se transforme chez nous en déluge. Les bouches d’égout débordent faute de maintenance. Elles sont souvent remplacées par des couvercles de fortune en attendant des jours meilleurs.
Et si ce n’est pas les passants qui risquent de trébucher dans ces pièges à ciel ouvert, ce sont les voitures qui en prennent pour leur grade…
Culture de l’impunité
Alors, à qui la faute ? A qui attribuer la responsabilité de ce drame à donner froid dans le dos ? Nous attendons toujours les résultats de l’enquête. Nous savons à l’avance que chaque partie jettera la responsabilité sur l’autre. La vérité sera morcelée certes de manière à ce que la responsabilité ne soit pas délimitée. Culture de l’impunité oblige !
Même cause, même effet
Bis repetita. Un mois plus tard, c’est un autre drame similaire qui s’est produit à Enfidha, soulevant une vive émotion en Tunisie couplée d’une tristesse immense. Et pour cause.
Meriem Dhehibi, une jeune femme à la fleur de l’âge, à peine 20 ans, venait de quitter son travail dans la zone industrielle d’Enfidha. Elle trouva la mort suite à une chute mortelle dans une station d’épuration des eaux de pluies. Son corps sans vie a été retrouvé à 300 mètres du lieu du drame. Elle a rendu son dernier souffle sur le chemin vers l’hôpital.
Encore une fois, la jeune victime est tombée dans un trou sans couvercle qu’elle n’avait pas vu. Et ce, à cause de la quantité importante de pluie non évacuée par les canalisations d’eau.
Bien entendu, suite à cette tragédie, le ministère public près le Tribunal de Première Instance de Sousse 2 a ordonné l’ouverture d’une enquête. Afin de déterminer les circonstances de la mort de la jeune Meriem.
Encore une fois à qui la faute ? A l’état déplorable de nos infrastructures, à la municipalité, aux services du ministère de l’Equipement ou ceux de l’Onas ? A moins que ce soit la faute de Dame nature, cette pluie tant attendue et espérée par les agriculteurs après des mois éprouvants de sécheresse. Voila le coupable désigné et cela arrange tout le monde !
Sérieusement : qui est responsable de cette tragédie de noyades à répétition qui nous interpelle tous au plus profond de nos êtres ?
Renvoi de balle
Et de se renvoyer la balle comme des enfants coupables d’une quelconque bêtise : « La responsabilité de la mort de la jeune fille dans un regard incombe aux services du ministère de l’Equipement ». A soutenu le président de la municipalité d’Enfidha, Abdellatif Hamouda.
« Nous avons adressé plusieurs correspondances au cours de la période précédente aux services de l’Equipement, les invitant à procéder à la réparation des routes, en particulier celle sur laquelle l’accident s’est produit. La municipalité avait récemment effectué une opération de nettoyage sur le site de l’accident avec les ressources dont elle dispose. Notre municipalité n’a aucune responsabilité dans ce qui s’était passé ». A poursuivi la même source sur la page officielle de la municipalité.
Pour sa part, lors de son intervention sur Politka, hier mardi, la maire de Tunis, Souad Abderrahim, a jeté la faute sur l’incivilité de certains citoyens pour expliquer ce drame : « Le risque de chute dans les égouts existe partout, y compris à Tunis. Le couvercle en fer peut être volé, au même titre que les ampoules de l’éclairage municipal. Une fois, un individu a enlevé une caméra de surveillance dans l’un des quartiers de Tunis. La cause ? Sans doute, une certaine audace et, aussi, la faiblesse de l’État ». A-t-elle conclu.
Que dire devant ce constat glaçant mais lucide ? L’on a beau jeté la responsabilité de ces drames répétitifs sur les infrastructures mal entretenues ou sur la négligence coupable de certains agents municipaux. Mais que penser du vol des couvercles de fer ou des câbles en cuivre des poteaux de l’éclairage public ?
Pitoyable et triste à mourir.