Le parti Ennahdha a publié un communiqué dans lequel il a présenté quelques initiatives capables, selon lui, de résoudre certaines problématiques économiques urgentes.
Parmi les propositions, il y a celle qui implique le marché financier. Le parti propose l’émission de Sukuk ou d’emprunt obligataire d’une valeur de 1 000 MTND, à souscrire par le marché et les établissements financiers. Le Compte Epargne en Actions a été évoqué en proposant l’augmentation du montant déductible de la base imposable jusqu’à 1 MTND, dont 60% seront investis en BTA et 40% dans le marché alternatif. Il y a également l’idée de réviser à la hausse le plafond de souscription des étrangers aux emprunts obligataires.
Globalement, l’initiative est bonne, mais il y a quelques réalités qui rendent sa mise en place extrêmement difficile.
La composante politique bloque les Sukuks
Il y a d’abord la question de l’actif sous-jacent aux Sukuks. Nous nous rappelons tous de la fameuse affaire du stade de Radès que l’Etat a voulu adosser à une émission de titres de créances islamiques en 2015. Il y a un refus total. L’idée s’est transformée en un scandale en assimilant l’opération à un lease-back alors que c’est le principe même de ces sorties sur les marchés.
Aujourd’hui, quel serait l’actif que l’Etat est capable d’offrir en garantie dans une telle transaction ? Quel serait le coût à supporter alors que le risque souverain est déjà à son plus haut historique ?
De plus, cela risque de se transformer en une polémique politique dans un moment où le Gouvernement est de plus en plus isolé. Même s’il s’agit d’une nouvelle source de financement, cela va être considéré par certains comme une tentative de l’islamisation de l’économie tunisienne. Franchement, il ne manque que cela dans un pays plus que jamais divisé.
Le poids du risque de change
Le deuxième handicap reste la capacité du marché. Un emprunt obligataire, conventionnel ou islamique, n’engage pas le refinancement de la BCT. Est-ce que les banques et les compagnies d’assurances ont la capacité de souscrire à une telle opération ?
Actuellement, l’actif net des OPCVM est de 4 591 MTND et les sorties successives de l’Etat et ses adjudications échanges font que le niveau de liquidité ne permet pas nécessairement d’atteindre une telle somme.
Même l’augmentation de la part des étrangers n’aidera pas à réaliser cet objectif. Les raisons sont claires: il y a un risque de change très important. Si le dinar résiste encore, c’est grâce à la bonne maîtrise de l’inflation et la réglementation efficace des salles de marché mises en place par le régulateur.
Mais au vu des indicateurs macroéconomiques et les pressions du gouvernement pour accéder à un financement direct de la BCT, notre monnaie risque sérieusement de dégringoler. La seule possibilité serait une dette en devises, ce qui revient in fine au même avec une sortie classique.
La très bonne idée pour les CEA
Les bonnes intentions sont donc limitées par des difficultés pratiques. Toutefois, il faut souligner la très bonne idée d’orienter une partie des CEA vers le marché alternatif. Ce compartiment de la Bourse de Tunis est son avenir.
Pour une économie basée sur les PME, ces entreprises devraient bénéficier de possibilités de financement outre que le crédit bancaire classique. Même en dehors de cette initiative, il faut penser que les autorités compétentes pensent à intégrer une telle proposition.