La pandémie de Covid-19 a-t-elle suscité une nouvelle dynamique dans les relations tuniso-coréennes?
L’Ambassadeur de Corée à Tunis semble le croire lorsqu’il dit dans une interview accordée à la première chaîne de télévision publique tunisienne que « toute crise peut être une opportunité à saisir ». Ajoutant que « la Tunisie et la Corée se sont davantage rapprochées grâce à la COVID ». Alors où en sont les relations tuniso-coréennes.
Depuis le début de la pandémie, Tunis et Séoul se sont en effet concertés sur deux volets de l’évolution de la crise. D’abord, un volet scientifique, avec l’organisation au début de la crise sanitaire planétaire, d’un échange par Skype. Et ce, entre les membres de la commission technique scientifique nationale chargée en Tunisie de suivre l’évolution de l’épidémie, le conseiller le gouvernement sur les mesures à prendre et des spécialistes coréens.
Un accès équitable au vaccin anti-Covid
Le deuxième volet concerne l’assistance de Séoul aux efforts menés en Tunisie, par l’envoi de matériel médical. En vue de contribuer à circonscrire et à stopper la progression de la pandémie.
Ci-dessous, un résumé des réponses que S.E. M. l’Ambassadeur a donnée au cours de l’émission Ahla Tounis.
Tout d’abord, M. CHO Koo Rae a indiqué que « son pays appuyait les efforts de la Tunisie, pour le succès de sa mission en tant que membre du conseil de sécurité de l’ONU. Ajoutant que Séoul et Tunis œuvraient de concert pour un accès équitable au vaccin anti-COVID pour tous les pays.
Puis évoquant le présent et le futur des relations et de la coopération tuniso-coréenne, il s’est attardé sur les opportunités qu’offre la Tunisie. Lesquelles « suscitent l’intérêt du gouvernement et des investisseurs coréens ».
La Tunisie, un pays d’opportunités
En effet, « sa position géographique, comme ses bonnes connexions et ses bonnes relations avec l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient, ajoutées aux accords de libre échange qui la lient à l’Union européenne, sont d’excellentes raisons de partenariat fructueux pour la Corée. Les compétences de la jeunesse tunisienne, notamment dans les TICS, associées aux avancées technologiques de la Corée, sont des atouts que nous pouvons conjuguer pour gagner des marchés dans tout le pourtour euro- méditerranéen ».
En outre, « la Corée qui s’était investie dans la réalisation du programme TUNEPS, visant à améliorer la gouvernance des marchés publics, va faire un don de 60 millions de dollars. Et ce, pour la modernisation des systèmes de gestion des Douanes tunisiennes ainsi que des données cadastrales ».
Vingt cinq étudiants tunisiens dans les universités coréennes
Et M. CHO Koo Rae d’ajouter que « son pays est intéressé au plus haut point par le renforcement de la coopération avec la Tunisie. Dans les domaines de l’éducation et particulièrement de l’enseignement supérieur. Précisant, en réponse à une question, que 25 étudiants tunisiens poursuivent, dans de bonnes conditions, leurs études en Corée. En tant qu’invités boursiers du gouvernement coréen. Ajoutant qu’ils jouissent de la considération de leurs enseignants et de leurs camarades coréens. Et que l’ambassade de Corée en Tunisie est périodiquement en contact avec leurs universités. L’ambassadeur a précisé qu’une fois leurs études terminées, des diplômés tunisiens ont été recrutés par des entreprises coréennes. Alors que d’autres parmi leurs compatriotes ont choisi de créer en Corée, avec succès, leurs propres entreprises.
De même, il a rappelé que deux restaurants tunisiens sont ouverts à Séoul. Et que les Tunisiens jouissent d’une excellente réputation en Corée.
Cinquante mille jeunes tunisiens fans de la Corée
Par ailleurs, M. Cho Koo Rae a dit avoir été surpris par l’engouement des jeunes tunisiens pour la Corée. Tout en annonçant la venue en été d’un groupe KPOP. Il devrait se produire au prochain festival de Carthage. Précisant que 50 mille jeunes tunisiens sont adhérents dans une dizaine d’associations d’amitié tuniso-coréenne.
Interrogé sur ses impressions après deux années passées en Tunisie, l’Ambassadeur a dit avoir entendu parler pour la première fois de la Tunisie, à l’école primaire. Et ce, à travers la leçon consacrée au grand général Hannibal. Il a ajouté apprécier la nature, l’environnement et la qualité de vie en Tunisie. Pays qui par sa beauté, son histoire et les vestiges de sa civilisation, offre un panorama extraordinaire, un véritable musée ouvert.
« L’avenir du tourisme dans votre pays est prometteur, mais il ne faut pas se contenter de l’offre de plages et de repos. Faire valoir davantage les richesses et développer l’aspect culturel et civilisationnel de votre pays attirera davantage de touristes. Et les coréens seront nombreux à venir en Tunisie », conclut-il.
(Fin du compte rendu de l’interview accordée par M. l’Ambassadeur de Corée à la télévision publique tunisienne)
Pour un meilleur soutien financier coréen
Les propos de Son Excellence l’Ambassadeur, qui se démène pour faire accéder les relations tuniso-coréenne à un niveau supérieur en contenu et en capacité de réalisation et d’efficacité, méritent qu’on s’y attarde. Pour tenter d’explorer le futur des relations tuniso- coréennes. Il faut savoir que la pandémie avait perturbé le déroulement des célébrations du cinquantenaire des relations diplomatiques tuniso-coréennes. En effet, elles devaient se poursuivre pendant toute l’année 2019 et au delà.
Ce qui signifie que l’élan et la dynamique qui ont entouré la célébration du cinquantenaire, ont été atténués par la survenue de la pandémie.
Des événements culturels et touristiques étaient prévus dans le sillage de la semaine du film coréen, des prestations de l’orchestre symphonique des jeunes de la ville de Busan, des percussionnistes du groupe Tago.
En parallèle, les visites du Premier ministre coréen Lee Nak-Yon et du Vice-président de l’Assemblée nationale coréenne Lee-Ju-Young à la tête d’une délégation comprenant les députés Joo Kwang Deok, président de l’Association d’amitié Corée-Tunisie, Baeh Jae Yhun et Lee Yong Ju, suivis par la visite du conseiller pour la sécurité du Président de la République coréenne, venu en Tunisie expliquer les développements relatifs aux relations inter coréennes. Il a souligné l’intérêt que porte le chef de l’Etat coréen à la Tunisie et au renforcement des relations entre nos deux pays.
Ces visites ont créé un environnement propice à davantage de contacts et de suivi de l’évolution de la coopération en vue de lui donner une forte impulsion.
L’après COVID
Maintenant que la COVID a ralenti la dynamique qui était bien engagée, les échanges autour des solutions à mettre en œuvre pour la contenir, permettent aux autorités des deux pays de reprendre le dialogue et les contacts.
Ainsi, l’interview de l’Ambassadeur de Corée, remet les pendules à l’heure. De même qu’elle confirme la volonté des autorités coréennes de reprendre la dynamique d’avant la COVID.
L’Ambassadeur CHO Koo Rae a dans ce contexte bien raison d’insister sur l’importance des secteurs de l’éducation, de l’enseignement supérieur et des nouvelles technologies. La coopération entre les universités des deux pays mérite, en effet, d’être approfondie. Pour construire des passerelles et ouvrir des chemins d’échanges d’étudiants en nombre plus important que les 25 étudiants tunisiens actuellement en Corée.
Sachant que l’apprentissage des langues est une opportunité à saisir. Une centaine de jeunes tunisiens apprennent le coréen à Bourguiba School et à l’université de la Manouba. Parmi les 50000 fans de la culture coréenne évoqués pas M. l’Ambassadeur, nombreux sont les jeunes qui aimeraient pouvoir parler la langue de leurs idoles des groupes KPOP coréens. Ainsi qu’apprendre davantage sur la Corée dont ils admirent le mode de vie et le haut degré de développement.
Pour un institut SEJONG en Tunisie
Le Président de la République de Corée Moon Jae In avait indiqué début octobre dernier, à l’occasion de l’anniversaire de la création de l’alphabet coréen que son administration « redoublera ses efforts pour populariser l’étude de la langue coréenne à l’étranger et promouvoir la culture coréenne. En vue de jeter des bases solides pour les initiatives diplomatiques clés du pays ».
On sait que cette promotion se fait par l’intermédiaire de l’Institut du Roi Sejong, l’inventeur au quinzième siècle, de la langue coréenne (hangul). 30 nouveaux instituts Sejong ont été créés en 2019/20 sur un total actuel de 213 instituts, couvrant 76 pays.
Donc, ne serait-t-il pas opportun, alors que nous inaugurons le début de la deuxième moitié d’un siècle de relations diplomatiques, de créer un institut Sejong en Tunisie, pouvant accueillir des étudiants tunisiens, maghrébins et africains?
Cette création pourrait être imaginée dans le cadre d’un centre culturel coréen en Tunisie. La consolidation de la coopération de la Corée avec notre pays et avec l’Afrique et le Moyen-Orient gagnerait en qualité, en efficacité. Et en temps de réalisation des projets si les partenaires utilisent et comprennent leurs langues respectives.
Ce serait un jalon marquant, inscrit dans les relations tuniso-coréennes. Et un bel investissement pour le renforcement de leurs échanges et de leur coopération.
Avec une bonne maîtrise de la langue coréenne, les jeunes compétences tunisiennes- cela a déjà été fait pour des diplômés tunisiens des universités coréennes- pourraient être utiles aux entreprises coréennes en Tunisie et dans d’autres pays de la région euro-méditerranéenne, africaine et Moyen-Orientale.
Mécanismes permanents de coopération et attentes tunisiennes
Sur un plan plus général, les avantages qu’offre la Tunisie, tels qu’a bien voulu le souligner l’Ambassadeur CHO Koo Rae, attendent d’être mieux exploités par la partie coréenne et particulièrement les investisseurs coréens.
En outre, M. CHO Koo Rae a dit apprécier les efforts tunisiens qui visent à réduire les formalités et améliorer les circuits de décision pour faciliter la tâche aux investisseurs. L’opportunité doit être saisie et les parties tunisiennes, d’abord, et coréennes, ensuite, sont appelées à la bien promouvoir auprès des promoteurs et conglomérats coréens et tunisiens. Pour tisser une maille de projets communs gagnant-gagnant, de grande envergure et qui irradieraient toute la région euro-méditerranéenne.
Il est important de créer des mécanismes permanents de supervision et de proposition de projets de coopération. La manifestation d’intérêt de la Corée pour le développement de la coopération bilatérale permet d’espérer que ces bonnes dispositions de Séoul, pourraient être traduites en volonté politique coréenne de soutenir davantage et de manière forte la Tunisie. Alors que son économie traverse une période difficile qui sollicite un plus grand appui de la part de ses amis.
La Corée, puissance industrielle et économique, est aujourd’hui un pays donateur. Après avoir connu des périodes de crises et les avoir dépassées grâce aux efforts du peuple coréen. Mais aussi grâce à un soutien financier conséquent de la part de ses amis.
La Tunisie, de par sa position centrale en Méditerranée et de sa législation incitatrice en faveur des investisseurs, peut être un partenaire important de la Corée. Lui offrant de grandes opportunités d’accueil d’entreprises coréennes. Les rapprochant des marchés africains, européens et moyen-orientaux. Loin des contraintes concurrentielles dures des marchés sud-est asiatiques.