L’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) a entamé, vendredi, au cours d’une plénière, l’examen du projet de Loi de Finances Complémentaire (PLFC) pour l’exercice 2020. Lequel requiert des financements supplémentaires. Ainsi, ce projet suscite une crise entre la classe politique et le monde des affaires. Car les deux intervenants réclament « des garanties légales ».
Le différend s’est déclenché dès la soumission du PLFC 2020, en octobre 2020, par le gouvernement de Hichem Mechichi à l’ARP. Et ce avec le rejet (le 28 octobre 2020) dudit projet par la commission des finances, de la planification et du développement. Qui a réclamé l’introduction d’amendements. Le gouvernement de Mechichi a retiré le PLFC, le 13 novembre 2020. Afin de préparer une nouvelle version et la renvoyer à l’ARP.
Le 18 novembre 2020, la commission a approuvé la nouvelle version sur la base d’un consensus auquel sont parvenus le gouvernement et la Banque Centrale de Tunisie (BCT). Un information confirmée par le ministre de l’Economie, des Finances et du soutien à l’investissement, Ali Kooli .
Un énorme déficit budgétaire à couvrir
Le retrait de la loi est dû principalement à la demande de la BCT. D’ailleurs, le gouvernement a appelé la BCT à couvrir l’énorme déficit budgétaire (11,4 milliards de dinars) pour l’année 2020, à réduire le financement requis et obtenir les garanties nécessaires. Le gouvernement a expliqué le déficit par les répercussions de la crise de la pandémie de la Covid-19.
Le processus d’examen, d’amendement puis d’approbation au niveau de la commission aurait pu prendre une tournure normale, mais l’insistance de la BCT sur le fait d’obtenir des garanties parlementaires ou une autorisation pour intervenir et financer le déficit du budget de l’Etat pour l’exercice 2020, a changé la donne, déclenchant de nouvelles controverses sur ce projet de loi.
En effet, pour certaines parties, dont le président de la commission des finances, Haykel Mekki , « Le gouvernement n’a pas obtenu le feu vert (l’accord) de la BCT pour intervenir et financer le déficit. Et a mis le Parlement dans une position inconfortable se trouvant dans l’obligation de donner une autorisation à la BCT, alors que le gouvernement est le seul responsable de cette loi. Tout au long de l’examen du PLFC 2020, la commission des finances a reporté les discussions sur les sujets objet de controverses pour les renvoyer à l’examen en plénière.
L’intervention du gouvernement, une opportunité pour lever l’ambiguïté
L’intervention du gouvernement au sujet du déficit budgétaire 2020 et de l’éventuel consensus avec la BCT constitue une opportunité pour désamorcer la crise lors de la discussion du PLFC pour l’exercice 2020.
Le besoin de clarifier le dossier des garanties légales est devenu une urgence pour le gouvernement. Le gouvernement maintient actuellement le silence. Arguant que l’Institut d’émission a déjà apporté, au cours des dernières années, son appui financier au gouvernement.
En effet, l’examen du PLFC 2020 est le premier examen pour le gouvernement de Hichem Mechichi. Ce gouvernement est sur le point d’entamer les discussions du projet de budget de l’Etat pour l’année 2021.
Le gouvernement explique le creusement du déficit budgétaire 2020 par la propagation de la pandémie. Aussi bien au niveau local qu’international, entraînant ainsi des répercussions importantes sur les plans économique, social et sanitaire.
Respect de l’État de ses engagements vis-à-vis de ses différents fournisseurs
Pour le gouvernement Méchichi, l’actualisation des dépenses de l’État pour l’année 2020 s’inscrit dans le cadre du respect de l’État de ses engagements vis-à-vis de ses différents fournisseurs. Et ce en allouant des fonds consacrés principalement aux dépenses de subvention et au paiement des entreprises de travaux publics. Le gouvernement prévoit en tenant compte du manque de ressources et de l’augmentation des dépenses, à ce que le déficit atteint, en 2020, 11,4% du PIB, contre 3% initialement estimé. En effet, cela nécessite la mobilisation de financements supplémentaires d’environ 8,1 milliards de dinars. Ces fonds supplémentaires porteront, ainsi, la dette publique, en 2020, à 88% du PIB, soit environ 97,7 milliards de dinars.
BCT: un appui sous condition
D’ailleurs, la BCT a affirmé, dans une correspondance adressée à l’ARP, le 20 novembre 2020, concernant le financement du déficit budgétaire de l’Etat pour l’année 2020, son appui au gouvernement pour faire face aux répercussions de la crise sanitaire au niveau national tout en préservant les équilibres de la finance publique.
La BCT a souligné que la réduction du montant des financements supplémentaires d’environ 10 milliards de dinars à 8,1 milliards de dinars est très importante. Elle réduit le volume de l’endettement intérieur en Tunisie.
En contrepartie, la BCT a indiqué qu’un financement à long terme par l’achat de bons du Trésor assimilables(BTA) peut accroître le montant dû de la BCT dans le cadre des opérations d’open market (intervention de la Banque centrale sur le marché monétaire consistant à fournir ou retirer des liquidités aux établissements financiers via des achats ou des ventes de titres), à 6,4 millions de dinars, contre 3,6 millions de dinars actuellement, soit 60% du total des opérations de la politique monétaire et 18% du total de son budget.
Appliquer la loi organique ou l’autorisation de l’ARP?
En effet, lors de l’examen du PLFC 2020, les législateurs ont été confrontés à deux obstacles. Le premier concerne la loi organique de la BCT du 25 avril 2016. Cette loi lui interdit de financer directement la trésorerie générale de l’Etat. Le deuxième obstacle porte sur l’obtention d’une autorisation de l’ARP.
Ces deux points constituent un point de litige. D’autant plus que l’amendement de la loi organique de la BCT a fait l’objet d’une initiative législative. D’ailleurs, le Bloc démocrate a déposé une initiative dans ce sens-là. De même, l’autorisation parlementaire soulèvera, également, une polémique. D’autant plus que l’ARP a déjà accordé une autorisation au Chef du Gouvernement.
En effet, pour être adopté, le PLFC 2020 a besoin de plus qu’un simple consensus entre les blocs parlementaires. Il s’agit de garantir la mise en place d’une approche réformiste. Cette approche doit garantir une nouvelle relation entre les décideurs politiques et financiers. Et ce afin d’éviter les chocs financiers et sociaux qui apparaissent de temps en temps dans le pays.
Avec TAP