« Les chaises musicales », cela correspond à un jeu en vogue chez les boys scouts. Les soirées sont ainsi animées de temps à autre par une musique sur laquelle tournent les participants quand l’animateur enlève chaque fois une chaise pour piéger celui qui n’a pas su, ou pas pu, regagner une place à temps. Le gagnant est celui qui arrive à éliminer tous les autres. On s’amuse comme on peut, même quand on pense que nos politiques du moment continuent à tourner dans le vide tout en prétendant, tous sans exception, connaître la musique. Pour les chaises, il y en a manifestement pour tous, à tour de rôle il faut dire.
Le dernier en date des chefs de Gouvernement en sait quelque chose, lui qui ne comprend manifestement plus dans quelle galère il s’est embarqué. Ces jours-ci, il en est presque à quémander qu’on lui passe sa Loi de Finances, quand bien même les finances sont au plus mal. Il croyait s’en sortir avec un accord toxique avec l’affaire d’El Kamour, et le voilà en butte à des tas d’autres Kamours.
Tout un chacun veut inscrire un titre de gloire à son palmarès, titre nécessairement gagné par le terrassement de la chose publique. Quand tout le monde dit avoir raison, il faut bien qu’il y ait un bouc émissaire. En particulier quand tous les remèdes sont basés sur une erreur de diagnostic initiale. On parle beaucoup de ceux qui meurent du corona, il n’en reste pas moins que beaucoup plus mourront de la grippe quand on a omis de se fournir en vaccins.
« Tout un chacun veut inscrire un titre de gloire à son palmarès, titre nécessairement gagné par le terrassement de la chose publique »
Mais ces errements sont devenus, il faut dire, monnaie courante. Nous avons bien plus de deux cents partis politiques. Mais il semble bien que le diagnostic soit biaisé. Pour la simple raison que les politiques, toutes obédiences confondues, évitent de poser les questions qui fâchent. Et qui font perdre de l’audience par temps d’intolérance. Et il y en a une qui ressort en ce moment d’une manière crue : pourquoi avons-nous des milliers de docteurs, toutes spécialités confondues au chômage ? Comme ce n’est pas vraiment une question nouvelle, que proposent nos élus pour venir à bout de cette situation ? Les intéressés disent ne pas comprendre pourquoi l’Etat refuse de les recruter quand, selon eux, les postes ne manquent pas.
Rappelons que le diagnostic chiffré à ce sujet a été établi au moins depuis une quinzaine d’années et que toute la « collaboration » avec la Banque Mondiale et quelques autres institutions repose sur ce constat : la rupture d’équilibre avait été fixée pour 2016, rupture démographique, financière et institutionnelle. Le système éducatif qui avait participé à la réussite de la reconstruction du pays avait atteint ses limites, au regard de la restructuration économique.
En gros, et pour reprendre l’image médicale du diagnostic, on devait soigner le régime pour éviter les mauvaises graisses et, qu’à Dieu ne plaise, l’infarctus. On ne pouvait plus penser les diplômes comme sésame d’autant plus que beaucoup de formations inscrites au chapitre sont devenues obsolètes.
« Pourquoi avons-nous des milliers de docteurs, toutes spécialités confondues au chômage ? »
Du coup, la soupape de sécurité était devenue l’expatriation. De temps à autre, quelques nostalgiques mal inspirés versent quelques larmes sur « l’émigration des cerveaux » mais se hâtent rapidement de tourner la page. L’argument implacable est qu’il faut bien tenter sa chance ailleurs quand il y a impasse chez soi. Ce qui était marginal est ainsi devenu structurel au bonheur il faut dire des pays bénéficiaires des sacrifices conjugués de la nation et des familles. Les chiffres de ces sacrifices sont astronomiques, ce qui n’empêche personne de continuer dans le même sens.
Alors, ces docteurs et ces doctorants, en réalité souvent en « stand by » avant le grand départ, qu’est- ce qu’on leur répond ? Et, est-il encore temps de changer de paradigme pour tous ceux qui sont dans le pipe-line et qui vont incessamment grossir les rangs de la cohorte ?
La cacophonie devenue structurelle qui tient lieu de musique de chambre – Chambre des élus s’entend – mériterait de la Nation à y voir de plus près. Dans le jeu des chaises musicales, les sièges sont par définition éjectables.