L’ONG Al Bawsala a réuni, le 27 novembre 2020, les journalistes, pour donner la preuve que l’Etat ne cesse de se désengager en matière de santé. Au grand malheur des Tunisiens. Reportage.
143 dollars américains (environ 392 dinars). Voici ce que dépensait l’Etat tunisien en 2017 pour la santé de chaque citoyen. Une somme bien en-de-ça de la moyenne mondiale : 762 dollars (environ 2087dinars).
Nous sommes évidemment là bien loin des résultats enregistrés par les champions mondiaux, comme la Norvège, qui dépensait à cette date, et pour chaque citoyen 6400 dollars (environ 17533 dinars).
Mais nous sommes aussi bien loin de pays en développement comme Cuba : 800 dollars (environ 2192 dinars). Un pays que l’on peut somme toute comparer à la Tunisie par la taille de sa population (11 116 396 habitants).
Les ménages prennent en charge 40% des soins
Les chiffres montrent, à ce propos, un réel désengagement de l’Etat tunisien en matière de dépenses de santé. Ainsi, la Tunisie a consacré les dix dernières années environ 5,3% des dépenses publiques à la santé. Alors que la recommandation faite par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) dans la Déclaration d’Abuja (Nigéria) de 2001 est de consacrer un minimum de 15%.
Pour Al Bawsala, qui a réuni, le 27 novembre 2020, à Tunis, une vingtaine de journalistes, à l’occasion de son Media Day, pour évoquer certains aspects du Budget tunisien. Cette réalité est le reflet d’une politique libérale qui marque un recul de l’implication de l’Etat au service de la santé des citoyens.
Autre chiffre qui marque un choix « néo-libéral » certain, souvent dicté par les bailleurs de fonds internationaux : les ménages prennent en charge 40% des soins. Les 60% restants sont bien sûr pris en charge par l’Etat. Comparaison toujours avec Cuba : les ménages ne prennent à leur charge que 10% de ces frais. Un pays souffrant pourtant d’un embargo de leur voisin américain.
En fait, l’Etat a installé l’austérité au chapitre de la santé de ses citoyens : le secteur privé est en passe de devenir le principal pourvoyeur de certains services médicaux comme les scanners et autres IRM (60% des IRM sont dans les cliniques privées). 42% du matériel médical était défectueux en 2017, selon la Cour des comptes.
Les établissements publics de santé disposent, de surcroit, de 0,9% des lits pour 1000 habitants pour les réanimations. Et certains gouvernorats, comme Zaghouan et Kairouan, en sont même dépourvus.
Une austérité qui tue
Une politique qui fait bien mal en cette période de pandémie qui a mis à nu les mauvais choix de l’Etat en matière de santé. Une austérité qui tue : le nombre de morts est passé de 46 en 2012, à l’hôpital Aziza Othmana, à Tunis, à 59 en 2013. En raison de ce désengagement continu des services publics de santé. Et le nombre de malades par médecin ne fait que croître : 179 en 2012 et 245 en 2016.
Ce qui nécessite sans doute une révision des choix opérés avec le nécessaire engagement, selon AL Bawsala, dans le Plan d’Ajustement Structurel (PAS) à la fin des années quatre-vingt-dix. Et pour cette organisation non-gouvernementale de droit tunisien à but non lucratif, « les organisations qui encadrent ces choix (dont la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International) bloquent indirectement cette révision. Ainsi, en refusant que l’Etat puisse aujourd’hui recruter des contrôleurs de l’impôt (ils sont environ 1600 alors que le pays aurait besoin de 7000), ils ne font que rendre impossible une collecte des impôts qui puisse assurer au service public les moyens de mieux servir la santé des citoyens ».