L’UGTT, la centrale syndicale la plus ancienne d’Afrique et du Monde arabe, vient de lancer une initiative pour relancer le dialogue socioéconomique. Avec l’ambition de faire sortir le pays de sa crise, la pire depuis l’indépendance. Une ultime planche de salut avant un éventuel effondrement de l’Etat si rien n’est fait ?
Pour rappel, l’initiative de l’UGTT consiste à mettre en place un comité des sages composé de personnalités nationales indépendantes de différentes spécialités. Ce comité aura pour mission de superviser le Dialogue national permettant d’introduire les réformes économique, politique, et sociale nécessaires. Et ce, sous la supervision de la Présidence de la République.
« Le changement du gouvernement n’est pas à l’ordre du jour »
Or cette initiative a été mal interprétée, selon le SG de la centrale syndicale Noureddine Taboubi. Lequel affirmait, hier mardi, lors une interview accordée à notre confrère Acharraa Al Magharibi, que le but de l’initiative qui vient d’être présentée au Président de la République, Kais Saied, « n’est pas de changer de gouvernement ni d’opérer un remaniement ministériel ».
« L’initiative de l’UGTT, précisait Taboubi, a pour but de trouver une issue à la crise en misant sur les choix nationaux consensuels. A aucun moment la question du changement de gouvernement n’a été abordée ».
« Choisir la bonne adresse »
Et pourquoi s’adresser spécifiquement à Carthage ? « Cette initiative porte sur l’engagement d’un dialogue socioéconomique à même de faire sortir le pays de sa crise. La centrale syndicale a choisi de s’adresser à la bonne adresse, en l’occurrence la présidence de la République en tant qu’institution élue ». A-t-il répondu. En précisant que le locataire du palais de Carthage aura à déterminer les parties qui devraient prendre part audit dialogue.
A la question de savoir quelles sont les partis susceptibles de prendre le train en marche, Noureddine Taboubi est resté évasif : « Si toutes les parties souhaitent revenir sur la bonne voie. Trouver des solutions pragmatiques et rationnelles en tirant les enseignements des expériences passées. Nous ferons part de notre position même si notre vision n’était pas similaire à la leur. Il faut respecter la volonté du peuple. Comme il est nécessaire de prendre en compte les résultats des élections ».
Mais à qui le patron de la Place Mohamed Ali fait-il allusion en évoquant les parties « qui ont la volonté, les solutions et une idée pour fédérer et non pour diviser » pour participer au Dialogue national sous l’égide du président de la République ?
De même : quels sont les partis politiques représentés au Parlement qui sont animés par le désir de « fédérer et non diviser » ? Et comment réussir la prouesse de réunir autour de la même table les représentants du mouvement d’Ennahdha, Al Karama et Qalb Tounes, et leurs ennemis irréductibles, notamment le PDL d’Abir Moussi et le Courant démocratique ?
L’ambiguïté de Kais Saied
S’ajoute à ce casse-tête chinois l’attitude ambiguë de Kaïs Saied. Et ce lors de son dernier entretien avec Taboubi au Palais de Carthage.
En effet, le chef de l’Etat a affirmé « qu’il n’est pas question d’engager un Dialogue avec les corrompus ou encore de mettre en place un dialogue national similaire à celui organisé durant ces dernières années ».
Ajoutant « qu’il est grand temps de mettre en place une nouvelle approche qui rompe avec les précédentes éditions du Dialogue national. Lequel devrait être basé sur la satisfaction des revendications réelles du peuple tunisien loin des calculs politiques restreints ».
Or, en choisissant d’exclure les « corrompus » sans les nommer, fidèle à son habitude, le Président ne cherche-t-il pas une voie de sortie pour ne pas chapeauter le Dialogue national. Etant convaincu que cette initiative est vouée à l’échec en raison de la médiocrité de la classe politique et surtout des partis qu’il honnit tant ?