Oui le mot, terme ou qualificatif paraît renversant, démesuré. Il nous clinque aux yeux et nous fait mal. Il nous renvoie l’image de toutes ces personnes innocentes victimes de la négligence de responsables irresponsables. Badreddine Aloui, 26 ans, est un jeune médecin résident, un rêve devenu une disgrâce qui lui a brisé la vie.
Un ascenseur en panne pendant de nombreux mois faute de maintenance. Une maintenance que le prestataire de services aurait refusé de faire car l’Etat ne lui aurait pas réglé son dû. Une panne qui a coûté la vie à Badreddine Aloui en chutant dans cet ascenseur de la mort. Ceci étant le topo.
Voici où nous en sommes aujourd’hui en Tunisie. Dix ans après le soulèvement du 14 janvier. De quoi sommes-nous fiers? De toutes ces morts que nous avons sur la conscience? Les jeunes médecins ont fait preuve d’abnégation et de sacrifices, faisant face à des conditions de travail affligeantes.
Ils ont souffert et souffrent en silence, car fatigués, épuisés de s’adresser à des responsables qui sont clairement durs d’oreille. Ils écoutent mais ils n’entendent pas tous ces cris de détresse. Ces mêmes responsables appellent les jeunes cerveaux du pays, en l’occurrence les médecins, à faire preuve de patriotisme en sacrifiant sur l’autel du devoir national leur avenir professionnel. Ils leur demandent d’investir les régions internes et de se consacrer au service du citoyen sans rechigner, sans faire attention au manque de matériel ni à ce salaire de misère que l’on aurait fixé sur la base des petites bourses.
Badreddine Aloui, ce jeune médecin qui incarne un devenir sombre et fallacieux de toute une génération à qui nous avions menti. Des mensonges débités sans scrupules. Nous leur avions dit que nous avions fait ce que tout peuple rêve de réaliser : une révolution qui leur permettrait de bâtir un monde meilleur sous nos cieux.
Cela était sans compter sur cette brèche à laquelle nous n’avions pas prêter la diligence, substantielle pourtant, et par laquelle, toute une sphère de médiocratie s’est incrustée. Dès la manifestation des prémices de celle-ci, un certain silence devenu assourdissant s’est rapidement installé.
Les fameux responsables nous ont matraqué, quasi religieusement, de mots devenus tel un mantra : Nous sommes dans l’ère post-révolution. Il est de notoriété que le rétablissement des choses dans le bon ordre requiert un temps assez considérable! Soit! Ils nous ont demandé de faire preuve de patience, de consentir des concessions et de tolérer des dépassements, un mal nécessaire nous dira-t-on. Mais cela n’a pas été le cas pour tous.
Cela a été le cas des nous autres mortels, les citoyens martyrs. Les responsables, toutes classes confondus, se sont quant à eux “hissés“ à un rang d’ersatz qu’ils cherchent à embellir à tout prix.
Aujourd’hui, en Tunisie, ce sera à celui qui crie le plus, qui se fait le plus bandit et à celui qui se livre à un bras de fer avec l’Etat, qui aura gagné le gros lot. L’Accord du Kamour en est l’illustration la plus réaliste et la plus aberrante. Devrions-nous alors nous transformer en “bandits”? Car le choix qui nous est offert aujourd’hui est soit d’être victime, soit d’être survivant!
A la mémoire de Badreddine Aloui. Qu’il repose en paix.