L’éminent constitutionnaliste Sadok Belaïd estime que le président de la République dispose de toutes les prérogatives pour procéder à la dissolution du Parlement. Une décision « nécessaire » à ses yeux. Et ce, suite aux actes de violence survenus récemment à l’hémicycle.
Face à la délégation des députés agressés par leurs « collègues » au sein même de l’hémicycle, le président de la République Kaïs Saïed a martelé sur un ton grave et solennel qu’il fera face à la violence survenue sous le dôme du palais de Bardo « via tous les moyens juridiques requis, à toute tentative de déstabiliser l’Etat ».
Paroles en l’air?
En tant que chef de l’Etat, symbole de son unité et garant de son indépendance et sa continuité, Kaïs Saïed avait rappelé « qu’il relève de sa responsabilité de préserver de le pays de tous les dangers qui le guette ». En menaçant d’intervenir « avec tous les moyens juridiques requis ». face aux « traîtres et AUX criminels qui agissent dans l’obscurité » pour disloquer le pays.
Alors, le président songe-t-il à sortir la grosse artillerie, notamment le « missile » de la dissolution du Parlement? Et déjà a-t-il les moyens juridiques de passer à l’acte; en dépit des articles 89 et 77 de la Constitution de 2014?
Belaïd : « Une décision nécessaire »
Oui, répond l’ancien doyen de la Faculté des Sciences juridiques et éminent professeur de droit constitutionnel, Sadok Belaïd. Celui-ci assure que seul le président de la République est habilité constitutionnellement à dissoudre le Parlement et à prendre cette décision suite aux actes de violence survenus récemment à l’ARP.
« Le chef de l’Etat peut consulter toute personne qu’il juge nécessaire, mais c’est à lui de prendre la décision finale. Il peut se passer de la condition d’informer la Cour constitutionnelle, vu qu’elle n’existe pas ».
« Si le chef de l’Etat estime que la crise a atteint son apogée, il peut constitutionnellement décider la dissolution de l’ARP. Or, cette décision est devenue nécessaire ». C’est ce que déclarait hier mardi le juriste au micro de Mosaïque FM en estimant qu’il est nécessaire de dissoudre l’Assemblée des Représentants du Peuple. « Vu que dans cette décision prime l’intérêt d’Etat ». Tout en appelant, ainsi, Kaïs Saïed à prendre cette décision.
Cependant, le constitutionnaliste pense qu’en cas de dissolution du Parlement, il y a un risque que le peuple réélise le système actuel. D’où, la nécessité de changer non seulement la composition du Parlement, mais aussi le régime politique du pays.
« La crise est en effet inhérente au peuple et à la classe politique d’une façon générale. Or, elle prend sa source également dans une institution constitutionnelle de l’Etat, l’Assemblée des représentants du peuple ». Donc, « le problème réside dans le peuple et dans l’Assemblée des représentants du peuple ». Ainsi conclut l’ancien doyen.
« Le sang coulera »
Or, tout le monde n’est pas favorable à cette option. Le président du bloc parlementaire de Tahya Tounes, Mustapha Ben Ahmed, un vieux briscard de la politique, a mis en garde, mardi 8 décembre 2020, contre la dissolution du parlement avertissant que « le sang coulera », selon ses dires.
Dilemme
Confronté à ce dilemme cornélien, le Président aura-t-il l’audace de franchir le Rubicon? C’est, en tout cas, l’avis d’une bonne part de nos concitoyens. En effet, ils estiment que le Parlement actuel est en partie responsable pour ne pas dire à l’origine des maux qui rongent notre pays.