Le chef de l’Etat a bel et bien la possibilité de recourir à l’article 80 relatif à l’état d’exception. C’est ce qu’affirme à l’Economiste Maghrébin l’enseignant-chercheur en droit public et sciences politiques, Khaled Dabbabi.
En effet, Khaled Dabbabi précise que ledit article pose un nombre de conditions de forme et de fond. Concernant les dernières, il exige la réunion de deux conditions cumulées. A savoir l’existence d’un péril imminent menaçant l’intégrité du territoire d’une part; et l’atteinte au fonctionnement régulier des pouvoirs publics d’autre part.
Dans ce sillage, l’enseignant-chercheur affirme qu’au niveau de la détermination de l’existence de ces conditions, le chef de l’Etat jouit d’un pouvoir discrétionnaire absolu. « Il revient à lui seul d’opérer une telle qualification juridique », continue-t-il encore. Tout en précisant que dans ce domaine, le chef de l’Etat reste le maitre incontesté de la situation politico-constitutionnelle du pays.
Puis, revenant sur les conditions de forme, M. Dabbabi affirme que le texte constitutionnel n’exige que des formalités non substantielles. Elles n’ont aucune incidence sur le contenu de la décision finale. En effet, le chef de l’Etat a l’obligation de consulter le chef du gouvernement et le président de l’ARP d’un côté. De même que d’informer le président de la Cour constitutionnelle d’un autre côté.
L’état d’exception est un acte de souveraineté
« Dans les deux cas toutefois, aucune autorité ne détient un avis conforme et ne lie les attributions du chef de l’Etat. Surtout que l’acte par lequel est décrété l’état d’exception reste toujours un acte de gouvernement ou un acte de souveraineté. Et donc non susceptible d’aucun recours juridictionnel », insiste-t-il.
Continuant dans la même logique, l’intervenant affirme qu’en déclarant l’Etat d’exception, le chef de l’Etat peut exercer ce qu’on appelle en droit constitutionnel « une dictature constitutionnelle ». « Et ce, en cumulant entre ses mains toutes les attributions. Dans la mesure où un tel pouvoir est indispensable pour le salut public en période de crise. Cette suspension provisoire du principe de la séparation entre les pouvoirs permet au chef de l’Etat de prendre des mesures dans le domaine règlementaire général et des mesures dans le domaine législatif ».
Il a fait savoir que si les mesures sont prises dans le domaine du pouvoir règlementaire général, elles sont susceptibles du recours devant le juge administratif. Par contre, si elles sont prises dans le domaine législatif, elles ne sont susceptibles d’aucun recours.
Pour mieux expliquer ses propos, il se réfère à un exemple historique. En France, le chef de l’Etat dans les années 1960 a déclaré l’état d’exception; et ce, en se basant sur l’article 16. Même si des doutes énormes existaient quant à la réunion des conditions nécessaires pour le faire.
« En période de crise épineuse, un politique doit avoir le courage nécessaire de dépasser une approche purement légaliste et formaliste; pour adopter une approche plus pragmatique et concrète. L’histoire des peuples retient toujours les résultats et jamais les formalités », conclut-il.