L’initiative de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) porte sur la tenue d’un dialogue national. Cette initiative comporte une feuille de route. Celle-ci vise à faire sortir le pays d’une crise étouffante et multidimensionnelle. Elle a suscité la controverse sur la scène politique, entre ceux qui approuvent le rôle politique de la Centrale syndicale dans l’objectif de parvenir à des consensus à même d’apporter le salut à un pays enlisé dans la crise, et d’autres qui ont exprimé des réserves par rapport à cette initiative, qu’ils considèrent comme étant une manœuvre pour la recomposition du paysage politique.
Le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, a dans un entretien accordé à l’agence Tunis Afrique presse (TAP) évoqué plusieurs thèmes lors de cet entretien. Il a axé essentiellement sur l’évaluation du rendement des Présidences de la République et du gouvernement, sa vision du système politique au cours de la période post-révolution, sa position par rapport à la détérioration de la situation sociale dans les régions, ainsi que les rapports de l’UGTT avec l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP).
S’agissant de l’évaluation du rendement des Présidences de la République et du gouvernement, Noureddine Taboubi a estimé que l’évaluation du rendement du gouvernement, à peine 3 mois après sa formation est prématurée. « Il est toutefois certain que ce gouvernement ne doit en aucun cas céder au chantage politique », a-t-il indiqué.
Taboubi a souligné que le gouvernement « est plutôt appelé à restaurer la confiance des citoyens à l’égard des institutions de l’Etat ». Ceci ne sera rendu possible qu’à travers l’amélioration de la situation économique, en priorité, la création des richesses, tout en restant à l’écart des tensions politiques, au risque de voir la pauvreté s’accentuer davantage ».
Parvenir à des compromis socio-économiques
Concernant le rendement du Président de la République, Taboubi a déclaré, qu' »une année après sa prise de fonction, nous avons pu avoir une idée sur le rôle que doit assumer le président de la République, notamment en matière d’activation de la diplomatie économique ».
Au sujet du système de gouvernance en Tunisie une dizaine d’années après la révolution, et la capacité de ce système à répondre aux aspirations des Tunisiens, Taboubi a souligné que le système de gouvernance, mis en place depuis 2012, a « provoqué un certain mépris de la politique chez le peuple tunisien. Ce système a favorisé une probable abstinence à la participation aux prochaines échéances électorales ».
Dans ce même contexte, Taboubi a évoqué l’initiative nationale de l’UGTT. Il a expliqué qu’elle se propose d’ouvrir un dialogue national dont l’objectif est de parvenir à des compromis socio-économiques, à condition que celle-ci débouche sur un dialogue d’ordre politique qui se poursuivra dans la durée.
« Cette perception se fonde sur l’élaboration de législations fixant le champ d’activité des associations et la nomination de membres indépendants de la Cour Constitutionnelle, sur la base du consensus, loin du système des quotas partisans ». A précisé Taboubi.
Renforcer le pouvoir d’achat des travailleurs
Par ailleurs, le secrétaire général de l’UGTT a affirmé, au sujet de l’ouverture d’un nouveau round de négociations sur les augmentations salariales pour l’année 2020, que l’accord tripartite conclu entre le gouvernement, l’UGTT et l’Union tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (UTICA) qui a prévu un nouveau round de négociations dont le démarrage a été fixé pour le mois d’avril 2020, a été reporté en raison de la conjoncture provoquée par la pandémie Covid-19.
« Il est tout à fait naturel. Cela se situe au cœur de notre mission que d’appeler à des augmentations salariales. Et ce dans le but de renforcer le pouvoir d’achat des travailleurs qui s’est détérioré face à la flambée des prix, d’autant que les travailleurs figurent parmi les catégories les plus touchées, en raison des déficits de contrôle des circuits de distribution », a encore indiqué Taboubi.
L’UGTT s’oppose la vague de protestations initiée par les coordinations
Dans un autre contexte, le secrétaire général de l’UGTT a affirmé que l’UGTT, s’oppose à la vague de protestation initiée par les coordinations dans plusieurs régions du pays. Il a expliqué que ces mouvements de protestation doivent être encadrés par les structures de la société civile et les partis politiques qui défendent les revendications ».
« Il est inconcevable de mettre en place des coordinations dans chaque quartier ou ville. Et ce au risque de se retrouver avec une situation similaire à celle des comités populaires », a-t-il dit. « Nous vivons dans un pays qui dispose d’un cadre législatif et dans un État qui a des orientations fixes et des organes et structures qui œuvrent dans les limites de leurs prérogatives ». A-t-il ajouté.
« Nous sommes déterminés à soutenir les mouvements sociaux organisés et encadrés. Et ce de manière à ce qu’ils ne perturbent pas les services de base des citoyens », a-t-il relevé.
Faire face à l’économie informelle
Commentant la déclaration du ministre des Finances, lors de la séance plénière à l’ARP consacrée à l’examen du projet de loi de finances pour l’année 2021, sur le fait que « personne n’oserait licencier les fonctionnaires de l’Etat », Noureddine Taboubi a précisé que « le syndicat rejette catégoriquement les licenciements des travailleurs du secteur public, d’autant que le secteur privé connait une régression des investissements. Le secteur privé serait dans l’incapacité de résorber la masse des licenciés ». Noureddine Taboubi a souligné que l’Etat « se doit d’entrevoir des solutions plus réalistes, sans ressasser les appels incessants de licenciement des agents de l’État et des salariés qui sont les plus touchés par la dégradation du pouvoir d’achat ».
Et Taboubi de conclure: « L’Etat est aujourd’hui tenu de trouver des solutions au problème de l’économie parallèle. Et ce afin de mobiliser le manque à gagner provenant des ressources financières non recouvertes. Les décideurs doivent instaurer la justice sociale à un moment où les salariés contribuent à hauteur de 75% aux ressources fiscales de l’Etat en échange de 20%, taux des contributions des grandes entreprises dans plusieurs champs d’activité, notamment les transports et les communications.
Avec TAP