Si le débat financier et budgétaire n’est pas serein et bien étalé dans le temps, jamais nos budgets ne seront porteurs d’équilibres financiers ou de solutions socio-économiques.
Or, jusqu’à maintenant cette sérénité et ces temps larges pour la réflexion ne se sont pas réalisés. En conséquent, globalement tous les budgets successifs ont échoué dans leurs objectifs de l’équilibre des comptes. Ils ont également échoué à apporter leurs parts et contributions dans les solutions d’ordre patronal et syndical, socio-économiques, financier et monétaire, que le pays en entier se retient à attendre.
De ce fait, tant que les raisons réelles de nos échecs budgétaires, et de nos ratages socio-économiques, restent valables, la Loi de finances et le budget 2021 convergeront certainement vers la même stérilité et les mêmes aggravations et ratages laissés ou accentués par leurs prédécesseurs.
Raisons réelles qui expliquent les échecs et les ratages
S’il y a un secret à l’échec et aux crises économiques, le notre en Tunisie serait, par excellence, celui de l’excès d’interprétation. Les récurrences de nos grandes débâcles nationales indiquent l’existence de cet aspect d’excès d’interprétation comme étant l’amorce et le catalyseur originels.
Aux origines lointaines et centenaires, tout à commencer par un excès d’interprétation fiscal, puis par une exagération incontrôlée de la dette publique. Le processus de la première débâcle, celle suprême de la perte de souveraineté, fut alors initialisé.
Tomber dans ce genre d’erreur stratégique s’est manifesté de nouveau par notre appropriation continue de la logique des Critères de Maastricht. Depuis 1994, leur présence dans le discours public de la finance et des budgets, n’a servi qu’à freiner la croissance vigoureuse du PIB.
En effet, ces critères qui sont un ensemble d’inéquations financières et monétaires toutes plafonnées, et donc contraignantes, ne sont pas adaptés à nos besoins énormes en croissance et en créations d’emplois. Ils ont remplacé le modèle, déjà limitatif, des fluctuations dit du « Serpent monétaire et de l’Ecu » pour guider les finances et les budgets des pays européens qui ont réussi leurs convergences vers l’euro.
Nous en Tunisie, inopportunément, nous n’étions jamais dans un objectif de convergence vers l’euro. Du coup en se mettant passivement dans la logique d’un modèle contraignant dont la finalité est d’assurer les multi-arbitrages, les plus communément acceptés, par les Pays-Economies de la Zone-Euro, nous a fait subir un double ratage.
Le Dinar n’a pas convergé vers l’Euro mais au contraire, pire, il s’en est éloigné. La croissance attendue par l’élargissement du système de financement de l’économie tunisienne et sa réorganisation par la Loi 94-117 de 1994, ne s’est réalisée qu’à la hauteur d’un taux bi-décennal moyen et insuffisant dans les +5%.
La Loi 94-117
Post crise budgétaire -années 80-, cette Loi représentait l’aboutissement de tout un long et usant Programme d’Ajustement Structurel. La refonte profonde du système de financement de l’économie, son élargissement au marché financier et aux instruments nouveaux de la dette publique et privé, avaient pour objectif la réalisation d’une croissance élevée et soutenue pour l’économie tunisienne. Une croissance élevée avec une architecture de financement où l’origine monétaire du risque inflationniste serait quasiment éliminée.
Aujourd’hui, notons que les taux bancaires élevés nous ont presque remis dans la configuration défaillante du financement de l’économie, uniquement par l’Etat et par les banques, de l’avant crise 80.
Depuis 1994 et alors qu’il aurait fallu, donc, passer à des niveaux au moins dans les 100% PIB en concours de financements à l’économie, nous nous sommes mis dans le carré restrictif des -3% PIB, et donc moins d’investissements publics, dans les mandats BCT, Statuts 2006 et Statuts 2016, de la stabilisation des prix.
Prix où, les spécificités propres aux mécanismes de leurs augmentations demeurent chez nous non monétaires pour qu’ils soient stabilisés par l’élévation des taux ou par le resserrement du refinancement bancaire.
Autre fait conceptuel, sachant que l’objectif de la maîtrise des prix ne devrait pas se dissocier organiquement de l’objectif de l’investissement ou de celui de l’emploi, avons-nous pour autant réussi à accélérer ou à renforcer significativement l’investissement et l’emploi ?
Depuis le temps, années 2006 et même avant, que toute la région réalise des taux d’inflation relativement plus bas que les nôtres, le temps est peut être venu pour songer à réajuster les prix autrement que par les instruments monétaires.
D’autre part, pourquoi actionner à la fois l’élévation du taux de l’argent et le resserrement du refinancement bancaire alors que, distinctement, l’une ou l’autre des deux actions aurait suffit ? De même, un objectif de stabilisation des prix mais alors sans qu’aucun niveau cible ne soit explicitement fixé dans les deux récents Statuts, cela ne peut que réalimenter indéfiniment l’inflation.
En somme, depuis 2006 et davantage actuellement, les niveaux élevés des taux Directeurs BCT ont rendu les conditions du financement de l’économie difficiles. Sur la durée nous perdîmes ainsi en croissance intérieure du PIB ainsi qu’en compétitivités régionales. Nous affichons à ce jour, des taux d’emprunts parmi les moins incitants à l’investissement dans la région Maghreb-méditerranéenne.
Libérer la BCT provisoirement du mandat prix serait actuellement l’alternative la plus opportune pour l’économie tunisienne. L’alternative la plus opportune pour se mettrez dans l’objectif de doubler la taille de notre PIB et le faire converger le plus rapidement vers les 200 milliards de Dinars. C’est de son atrophie que viennent nos vrais problèmes.
Maîtriser les prix
D’un pays à l’autre, les déterminants de l’inflation peuvent être totalement différents. Le pouvoir d’achat n’étant pas élevé en Tunisie, le salaire modal est dans les 600 Dinars, l’arbitrage qui se fait sur les produits du Panier de la ménagère n’est pas le même que celui que l’on pourrait observer dans un pays où les circuits de distributions sont bien organisés, normalisés et contrôles.
Si vous êtes dans une configuration où ni l’abondance de l’offre n’est vérifiée, ni la gamme de l’offre et des prix n’est large, ni le pouvoir d’achat est élevé, c’est que la solution de la maîtrise des prix par les taux bancaires n’est pas à pratiquer.
Si davantage votre réseau des marchés municipaux est en déperdition et que l’offre alimentaire en fruits et en légumes se fait selon un modèle éparpillée et aux prix les plus excessifs, une Camionnette de betterave ci, une Estafette de dattes et de courgettes là, jamais par le jeu monétaire les prix ne se stabiliserons.
Économiquement et géographiquement parlant, les niveaux élevés de ces prix ne sont pas compatibles avec le potentiel productif local. Exercer alors une élévation du Taux de l’Argent, aussi minime soit-elle, afin de stabiliser leurs prix pour en augmenter les quantités d’offres, serait aussi vain qu’inefficace.
Les causes du renchérissement des prix sont donc multiples. La préférence donnée aux exportations pour sa part entraîne la diminution de l’offre locale tant en quantité qu’en qualité. Elle conduit aussi à l’augmentation des prix. (Voir modélisation)
Nous sommes alors dans le schéma où tout produit dont le prix augmente s’exclu en absolu ou en fréquence, par lui-même, du Panier représentatif – Salaire moyen 600 Dinars/mois.
L’arbitrage du consommateur local ne se fait pas donc par les prix. Il se fait plutôt par la privation et par la diminution de ses exigences en bien être humain et social.
Le concept de l’inflation et des moyens de sa maîtrise n’étant pas partout semblables ou transposables, le mieux serait donc de libérer provisoirement la BCT de sa mission de la stabilité des prix.
Faire du budget 2021 un budget de solutions, c’est transcrire tous les Comptes financiers publics dans la bonne pratique des métiers comptables et du contrôle de gestion. Entendre dire qu’une telle Ecole ou qu’un tel Hôpital n’ont pas honoré leurs factures de l’Electricité ou de l’Eau en Dinars, leurs dépenses d’entretiens en Dinars, de nettoyages des espaces en Dinars, de peinture à la chaux en Dinars, devraient nous conduire à s’impliquer davantage pour solder tout arriéré et budgétiser tout ce qui est raisonnablement prévu en 2021 et au delà.
Raisonnons et débattons donc nos budgets d’abord en Dinar. Le déficit qui pourrait s’en dégager pendant 1 à 3 exercices publics sera le début de la solution sérieuse à nos auto-limitations qui perdurent sans fin pour nous mener aux impasses et aux dangers.
Mais la solution par le déficit n’est pas durable !
La solution par le déficit est certes ponctuelle. Elle devrait s’étaler sur un nombre réduit d’exercices. Pour notre cas à nous, elle sera probablement neutre. Elle ne fera que remettre les comptes à leurs équilibres fonctionnels et comptables. A bien creuser la question, nous pouvons dégager plusieurs comptes et fonds qui ont des soldes positifs et importants non encore utilisés. Ils seront alors apurés ou redéployés.
Un entrepreneur qui vous aide à réaliser des travaux, vous devez le payer sans tarder. Il s’agit de solder des dépenses déjà consommées et dont l’économie dans sa globalité en a bénéficié. Mais avec cette option budgétaire rendue nécessaire par la force des cumuls, il s’agit d’enclencher d’autres mécanismes.
Au sommet de ces mécanismes, il s’agit de faire passer le Taux Directeur de l’Argent à 0. La restructuration de la dette publique en BTA Dinars s’envisagera alors sur 100 ans. Nous donnerons ainsi aux finances publiques davantage de capacité et d’aisance pour gérer ses comptes.
Parallèlement, avec ce Taux 0, le système de financement de l’économie qui nous a coûté toute une difficile décennie de PAS, retrouvera ses déterminants de fonctionnement. Pour des raisons de rentabilité, les concours bancaires et de marché aux entreprises passeront à des niveaux supérieurs en %PIB. Et c’est ainsi que nous assurerons à l’économie les niveaux des concours, Dinars, nécessaires à sa croissance tant recherchée.
Sans un financement à l’économie durablement mis aux niveaux de 100% à 120% PIB, jamais nous n’attendririons les taux de croissance, à deux chiffres, nécessaires à la Tunisie d’aujourd’hui et de demain. Nous sortirons ainsi des risques de blocages et de détériorations qui se font, à vue d’œil, de plus en plus réels et présents.
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