L’Association des Magistrats Tunisiens (AMT), Avocats sans frontières (ASF), l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) et la Commission Internationale de Juristes (CIJ) tenaient, le 14 décembre 2020, une conférence de presse. L’objectif étant de présenter un rapport sur la justice transitionnelle. Ce rapport porte sur la performance des chambres spécialisées en justice transitionnelle; et ce, deux ans après le début de leurs travaux.
A travers les différentes interventions, les participants ont exprimé leur mécontentement et leur insatisfaction quant au déroulement de ce processus. Ils ont averti des conséquences de l’inefficacité de la justice transitionnelle. Ils ont aussi félicité les efforts de l’Instance de la Vérité et de la Dignité (IVD).
Une situation qui stagne
En premier lieu, Anas Hamadi, président de l’AMT, souligne le retard dans la gestion des dossiers et la lenteur du processus de justice transitionnelle. « La réussite de la transition doit se faire par la lutte contre l’impunité », déclare-t-il. De plus, il critique la lenteur de la formation des juges. Il explique que les magistrats n’étaient disponibles qu’en fin de semaine à cause de leurs engagements professionnels. De même, les mutations infligeaient des pénalités au processus de justice transitionnelle. Puisque le transfert des juges s’effectuait vers d’autres tribunaux, au cours des enquêtes.
Puis, Oussama Bouajila, représentant de l’OMCT en Tunisie, considère que les Tunisiens et Tunisiennes croient encore en ce processus. Il dénoncent également certains communiqués publiés par les syndicats des forces de l’ordre. Ces communiqués ont incité des suspects ou des témoins à ne pas comparaître devant les chambres de justice transitionnelle. Ce qui a causé l’absence des suspects dans la plupart des affaires, précise-t-il. Ainsi, il considère ce phénomène comme le résultat direct du rapprochement sectoriel entre les suspects et la police judiciaire. Selon lui, « la police judiciaire manque à ses obligations, sous prétexte de l’inexistence de certaines adresses de résidence des suspects ».
Quant à Kalthoum Kannou, en sa qualité de membre du réseau CIJ, elle affirme que certaines difficultés résultent de la loi n°53-2013 relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation. A cet égard, elle rappelle l’importance de l’inclusion du Ministère public dans le processus de justice transitionnelle. En outre, elle critique le rôle de « messager » attribué par la loi n°53 au Ministère public. Alors, elle tenait à rappelé que « le Ministère public œuvre pour la collecte d’indices et d’éléments relatifs aux litiges ». De plus, elle reproche au ministère de l’Intérieur son manque de coopération avec les chambres spéciales.
Que faire?
Afin de mettre fin à cette situation, Anas Hamadi propose que l’on ne procède pas à des mutations des magistrats affectés aux chambres spéciales. Ainsi, ils seront promus sans changer de lieu d’affectation, afin de garantir une certaine continuité.
Oussama Bouajila, a, pour sa part, considéré qu’il est indispensable de recourir aux assignations à comparaître. Il estime que cette procédure participerait effectivement à la lutte contre l’impunité.
Au final, Kalthou Kannou a insisté sur l’inclusion des chambres spécialisées dans la recherche d’indices et d’éléments. Elle propose que l’un des membres des chambres de l’instance joue le rôle de juge d’instruction. A condition que ce dernier ne participe pas lors des délibérations.