Hichem Mechichi justifie le limogeage du ministre de l’Intérieur par le souci d’éviter des « tentatives de perturbation et d’infiltration » au sein de ce département stratégique. Si tout le monde s’accorde à penser que la mise à l’écart d’un ministre est une décision qui relève de ses prérogatives. Néanmoins des motifs personnels sembleraient peser sur cette décision.
Amateurisme ou penchant naturel pour le secret où il baignait; dans l’ambiance feutrée des cabinets ministériels qu’il fréquentait tout au long de sa carrière de grand commis de l’Etat? Toujours est-il que le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, aurait pu s’éviter les rumeurs et les interprétations parfois fantaisistes. Et ce, s’il avait dévoilé les motifs du limogeage de son ministre de l’Intérieur.
Opacité
Car l’annonce de la nouvelle se faisait via un bref et laconique communiqué. Lequel était diffusé sur la page FB de la Présidence du gouvernement, sans explication aucune. Donnant ainsi l’impression que cette décision de la plus haute importance, il s’agit d’un ministère régalien au cœur du pouvoir exécutif, avait été prise dans les « chambres noires ». Avec un esprit de règlement de comptes pour ne pas dire de vengeance.
Le ministre, « sous-marin » de Carthage?
Enfin, Hichem Mechichi se rattrapait hier mercredi à l’issue d’une réunion avec les hauts cadres et directeurs généraux du ministère de l’Intérieur. Pour justifier sa décision en invoquant sa volonté « d’éviter d’éventuels troubles au sein de cette institution sécuritaire ». Parlant de « tentatives de perturbation et d’infiltration ».
Infiltration? Le locataire du palais de la Kasbah sous-entend-il que Taoufik Charfeddine était un « sous-marin » de Carthage. Et que les dernières nominations opérées par le ministre limogé, sans consultation préalable avec son supérieur hiérarchique, étaient destinées à implanter les hommes du Président dans les centres névralgiques de ce ministère régalien?
Par ailleurs, dans ce contexte d’instabilité politique et sociale, la classe politique est très divisée. Et ce, quant à la pertinence de la destitution brutale du ministre de l’Intérieur et surtout quant au timing.
Nassfi : « Une décision pertinente et justifiée »
Ainsi, prenant la défense du chef du gouvernement, le président du bloc de la Réforme nationale, Hassouna Nasfi soulignait que « cette décision est pertinente et motivée ». Estimant que « la hiérarchie et les mesures réglementaires et constitutionnelles doivent être respectées; en relation avec les nominations aux hautes fonctions relevant du ministère de l’Intérieur ».
Et d’ajouter: « La situation dans le pays ne supporte plus les tiraillements entre le chef du gouvernement et son ministre de l’Intérieur. D’ailleurs, je pense que le chef du gouvernement a commencé à réfléchir sérieusement à opérer un remaniement ministériel du fait de la vacance à la tête de trois importants ministères ». C’est ce qu’il affirmait, hier mercredi, sur les ondes de Jawhara.
Coup de griffe à Kaïs Saïed
Allant dans le même sens, le dirigeant d’Ennahdha, Rafik Abdessalem, est venu au secours de Mechichi. En affirmant que « la déposition du ministre de l’Intérieur n’est pas un crime qui mérite une justification. Mais une mesure ordinaire qui relève des prérogatives du Chef du gouvernement ».
« Ce dernier détient le droit de changer et de limoger, conformément à une évaluation objective de la prestation et des erreurs ». Faisait-il encore remarquer, dans un poste sur sa page officielle Facebook.
Mais, ne résistant pas au plaisir de donner un coup de griffe à Kaïs Saïed, le gendre du leader d’Ennahdha ajoutait: « Le Président a ses prérogatives fixées par la Constitution. Mais le ministère de l’Intérieur ne relève absolument pas de ses prérogatives. »
Ensuite, M. Abdessalem poursuivait: « Le Président, avec tout le respect que nous lui devons, n’a pas besoin de nous crier au visage à chaque fois: je suis président, je suis le chef suprême des armées. Parce qu’il l’est réellement. »
Alors, il s’est écrié: « Monsieur le Président, nous voulons un Etat de droit et des institutions qui respectent ses hommes, ses femmes et sa Constitution. Ainsi que sa révolution qui l’a affranchi de l’autoritarisme. »
Et de poursuivre: « La Constitution, quelles qu’en soient les insuffisances, nous a immunisés contre les putschs et le retour en arrière. Elle a créé un équilibre entre les pouvoirs et ne l’a pas mis entre les mains d’une seule personne ou une seule instance. C’est là la vraie signification de la liberté et de la démocratie », conclut-il.
Morale de l’histoire: ce nouvel épisode de guerre froide entre les deux têtes de l’Exécutif ne fait que plomber le moral des Tunisiens.
Alors, de grâce, cela suffit. Nous avons d’autres chats à fouetter.