L’histoire récente a montré que l’idée de dialogue national est porteuse d’espoir et de stabilité.
La première mouture de ce dialogue avait bien permis de sortir de la première ornière, et il était tentant de remettre le couvert. La centrale syndicale en a pris l’initiative. Elle a tout de suite associé le Président de la République, nouveauté dans ce cas. Celui-ci n’en a pas rejeté le principe, même quand cela suppose que les institutions nées des élections, dont il fait justement partie, sont le résultat et l’aboutissement du premier dialogue.
La question est donc : dialoguer à propos de quoi ? Plus encore : qui va dialoguer avec qui quand il y a bien un parlement élu et supposé incarner le débat, à défaut du dialogue ? Pour mettre la balle au centre et entamer la partie, il faut bien qu’il y ait des parties accréditées, des règlements authentifiés et une instance d’arbitrage au moins consensuelle. Et, au moins en tant qu’instance morale de régulation, le Président a tenu à tracer le cadre qu’il estime adéquat à ce dialogue. Concrètement, il exige le retour aux fondamentaux de la révolution et la participation des jeunes.
En cela, il reste droit dans ses bottes et fidèle à son programme initial. Au fond, pour lui, pour mettre la balle au centre, il est urgent de revoir les règles du jeu tel qu’il est pratiqué par l’actuelle classe politique. Il sait pertinemment que la même classe a suffisamment démérité de la patrie pour ne plus avoir grand nombre de supporters. Ceci étant, il ne précise pas pour le moment ce qu’il entend par fondamentaux de la révolution, ni comment il entend choisir les joueurs parmi tous les jeunes. On ne saurait le contredire quand il martèle que le « peuple veut », encore va-t-il falloir que quelqu’un précise de quel peuple il s’agit.
L’état actuel des lieux donne une multiplicité de peuples, au moins si l’on en croit les revendications « nombrilistes » et plus que souvent contradictoires. Tout le monde dit avoir raison et, quand tout le monde a raison, nous rentrons dans le monde de l’insensé. Les « kamours » sont une illustration quotidienne de communautés disant représenter le peuple, enfin un peuple par apposition à d’autres « kamours ».
La pratique consiste à trouver une « vanne » à fermer juste comme moyen de pression ou, si l’on veut, de chantage. Chaque communauté revendique ainsi son statut de « centre de l’univers », quitte à tuer par asphyxie les autres communautés revendiquant aussi leur centralité.
Dans le microcosme du Parlement, ce communautarisme est désormais la règle. Entre ceux qui considèrent que revenir au centre, c’est revenir à la case départ et ceux qui, en particulier via les réseaux sociaux, font comme si le terrain de jeu a des milliers de centres, l’Etat dit central ne fait plus que de la figuration. Et en tout état de cause, il ne semble pas concerné par la promotion du second round du dialogue national. Il faut dire que les institutions ne lui prévoient que le dialogue au sein du Parlement. Pour le reste, on ne parle plus de fonctionnement républicain, mais de rafistolages incohérents.
L’ancien Président du Parlement, celui qui avait présidé à l’élaboration de la Constitution en vigueur, a récemment repris la parole pour affirmer qu’il n’y a pas grand-chose à redire à ce texte fondamental. Pourtant, le fonctionnement lancinant de la machine politique montre assez que les institutions nées de ce texte tardent vraiment à avoir l’efficacité nécessaire par temps de tempête.
Il y a vraiment un monde entre les rêves initiaux et la maîtrise d’une situation qui, pour être démocratique, n’en produit pas moins les ingrédients de son antithèse. L’emballement causé par la pandémie n’a fait qu’envenimer les choses, mais le ver est probablement aussi dans le fruit. Comme les poubelles sont dans la cité, les nôtres comme celles qu’on importe.
Et quand on résoudra vraiment ce genre de défi, il y aura de l’espoir. Il vaut mieux souhaiter la bonne année sur cette note.