«I, Daniel Blake » (Moi, Daniel Blake), deuxième film du Britannique Ken Loach lauréat de la Palme d’Or 2016 après «Le Vent se Lève » en 2006, a été diffusé, vendredi soir, à la Cinémathèque Tunisienne qui vient de reprendre son cycle de projections.
Le film est une coproduction entre le Royaume-Uni et la France. Le cinéaste et militant Ken Loach a réalisé ce film. Et ce d’après un scénario de son ami le scénariste Paul Laverty. Leur collaboration se renouvelle souvent autour d’histoires uniques. Des histoires qui traduisent la réalité d’une époque assez dure essentiellement pour la classe ouvrière.
Dans cette fiction (100′), Ken Loach embarque le spectateur dans la misère financière de gens désarmés habitant les faubourgs de Newcastle, ville du nord-est de d’Angleterre. Le réalisateur pointe du doigt les effets d’un capitalisme ravageur. Il brosse le tableau d’un capitalisme frappe de plein fouet les plus démunis.
Il brosse des portraits assez pessimistes de ses concitoyens. Et ce à travers le sort de deux personnages, Daniel Blake veuf charpentier cinquantenaire. Et Katie Morgan, jeune maman célibataire ayant à sa charge deux garçons issus de deux unions.
Le tournage de ce drame avait eu lieu dans divers endroits de la ville de Newcastle et en partie à Londres. Il revient sur le sort de gens en détresse durant les années 2000. Les scènes se déroulent entre la maison du personnage principal, Daniel Blake, les rues désertes de Newcastle, le bureau d’emploi de la ville et le très modeste appartement de la jeune femme qui vient de déménager dans le quartier après avoir quitté la Capitale, Londres.
Le calvaire de Daniel Blake
Suite à un malaise cardiaque, Daniel Blake se trouve obligé de reprendre le boulot. Les services sociaux lui ont retiré les allocations de chômage malgré ses problèmes de santé. La décision de la médecine de travail qui le déclare apte à travailler l’amène à entamer un long processus. L’objectif étant de dénoncer une décision injuste.
Entre temps, il est obligé de s’inscrire auprès du bureau d’emploi. La décision en sa faveur tarde à venir et Daniel Blake se trouve exclu dans un système administratif informatisé dont le cinquantenaire ignore complètement l’usage. Et même s’il arrive à se débrouiller pour s’inscrire sur la plateforme dédiée aux chômeurs à la recherche d’emploi, ses soucis sont loin d’être résolus.
Entre les rayons de la banque alimentaire de son quartier, la jeune femme s’est à son tour effondrée. Sa situation pose un grand point d’interrogation sur le sort des pauvres dans un monde absurde. Le réalisateur blâme clairement un néolibéralisme sans merci et le besoin qui contraint une jeune maman de deux gosses, en désespoir, à voler ou à se prostituer. Un chemin qui s’avère douloureux et pour lequel elle n’est pas faite.
Daniel Blake symbolise une vie douloureuse et un combat qui continue pour tant de gens ayant tout perdu. Malgré tout, il ne perd pas espoir et s’accroche à la vie, à une dignité quelque part perdue. Il va aussitôt mourir victime d’une attaque cardiaque, une mort prématurée que les exigences imposées par l’administration et la précarité dans laquelle il vit ont accéléré la survenue.
Des scènes touchantes
Des scènes touchantes qui parlent à notre humanité et qui nous interpellent. Elles nous rappellent que la générosité est souvent présente chez les moins chanceux qui luttent pour garder leur dignité. La dureté de la vie pour ces citadins désespérés, n’a cependant pas parvenu à leur ôter ce qu’il y a de plus beau chez l’être humain, cette notion de générosité, d’altruisme et d’entraide.
D’ailleurs, les personnages de « I, Daniel Blake », traduisent encore une fois la bataille d’héros solitaires qui passent inaperçus dans un monde de misère matérielle et spirituelle. Cette œuvre prononce le verdict accablant sur la réalité d’une époque qui va de plus en plus mal. Une réalité qui demeure d’actualité. Et qui s’est davantage détériorée avec la crise actuelle et la misère qui frappe toutes les classes, notamment les plus fragiles.
Un réquisitoire contre le néolibéralisme
En effet, Ken Loach fait le procès d’un monde injuste. Il nous livre une œuvre exceptionnelle de notre époque. Dans laquelle beaucoup de citoyens en situation de détresse matérielle peuvent s’identifier. Les règles et le traitement de l’administration favorisent clairement l’émergence d’une certaine injustice sociale.
En effet, c’est un fervent défenseur des droits des travailleurs. Ce réalisateur est un militant dont les idées ont souvent créé la polémique. Il critique d’une manière virulente le système politique et social qu’il juge assez injuste à l’égard des pauvres. Il lève le voile sur l’échec d’un modèle sociétal et politique dont il est l’un des grands opposants et critiques.
Zoom sur les œuvres de Ken Loach
D’ailleurs, «I, Daniel Blake» a ouvert le cycle de projections de l’année 2021 à la Cinémathèque tunisienne. D’ailleurs, la cinémathèque reprend ses activités après une interruption de plus de neuf mois. En application du protocole sanitaire, la présence du public a été limitée à deux tiers de la capacité d’accueil habituelle de la salle qui compte 150 sièges.
Ce premier cycle dédié à l’oeuvre de Ken Loach, membre du club des 8 cinéastes doublement primés par la prestigieuse distinction cannoise propose d’autres films :
-« Sorry we Missed You » (2019, 101′);
-« Le Vent se Lève » (2006, 127′);
-« Family Life » (1971, 108′);
et « Pas de Larme pour Joy » (1967, 101′)
Avec TAP