Lors d’une interview accordée jeudi 14 janvier 2020 à la chaîne Al Araby TV sise à Londres, Rached Ghannouchi, le leader d’Ennahdha et président de l’ARP, est revenu sur des sujets brûlants de l’actualité tunisienne. Extraits.
« Interférence dans une affaire judicaire en cours ou clin d’œil appuyé à son principal allié à l’hémicycle dans le cadre du coussin politique du gouvernement Mechichi. Et ce, pour donner la preuve qu’il se tient à ses côtés dans ces moments difficiles? En tout cas, l’interview que Rached Ghannouchi, leader du Mouvement Ennahdha et président de l’Assemblée des représentants du peuple, accordait hier jeudi à la Télévision Al Araby, nous laisse tout au moins perplexes.
« La tête haute et avec les honneurs »
En effet, lors de cet entretien accordé à une chaîne étrangère à la date symbolique du 14 janvier, Rached Ghannouchi déclarait avoir une pensée pour le chef du parti Qalb Tounes et croire en son innocence. Partant de sa conviction que la justice est « indépendante » et que « l’accusé est innocent jusqu’à preuve du contraire ».
Et d’ajouter avec suffisance que la justice tranchera en faveur de Nabil Karoui et qu’il sortira de prison « la tête haute et avec les honneurs ». Après tout, a-t-il souligné « les soupçons qui pesaient contre lui ne sont que de simples affaires fiscales ». Je vous laisse apprécier l’adjectif simple!
Pression sur la justice ?
D’où viennent donc ces certitudes alors que la justice ne s’est pas encore prononcée? Par excès de confiance, pour ne pas parler d’arrogance, Ghannouchi veut-il laisser entendre que la libération du patron de la chaine privée Nessma est imminente? Et même si c’était le cas, ces propos ne risquent-ils pas d’être interprétés, à juste titre, comme une tentative de mettre la pression sur la justice?
Sur un autre volet, le cheikh de Monplaisir a tenu à mettre un terme à la polémique au sujet de sa présidence à la tête d’Ennahdha.
Ghannouchi : « Je ne me représenterai pas »
En effet, soupçonné par ses détracteurs, notamment le groupe frondeur des 100, de chercher à se maintenir à la tête du parti islamiste, quitte à faire entorse au règlement interne, Ghannouchi apportait des précisions. Il déclarait la main sur le cœur: « Je m’engage à respecter le règlement intérieur d’Ennahdha et à ne pas le modifier dans l’objectif de me représenter ». Changement de discours? Bien entendu, « les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent ». Dixit Jacques Chirac.
Un bilan à l’eau de rose
D’autre part, il était interpelé sur le bilan des 10 ans de la révolution tunisienne. Ainsi, le président de l’ARP le juge « positif et un modèle de succès. Dans un environnement arabe en quête de la démocratie, de la liberté de la presse et d’élections libres et transparentes. Avouant quand même que « les aspirations des Tunisiens sont au deçà de ce qui a été réalisé jusqu’à ce jour ». Et que « la chute de la dictature ne signifie pas que les objectifs de la Révolution ont été parallèlement atteints ».
Puis, il expliquait doctement: « La chute d’un dictateur peut conduire à d’autres problèmes et la liberté nécessite des sacrifices. J’estime que nous sommes sur la bonne voie et au seuil d’une nouvelle décennie de prospérité ». On aimerait tant partager cet optimisme béat…
Un remaniement « ordinaire »
En outre, l’interview portait sur l’actualité tunisienne, notamment concernant les rumeurs d’un probable remaniement ministériel. A ce sujet, le leader historique d’Ennahdha signalait lors de ce long entretien que Hichem Mechichi avait pris cette décision. Et ce, dans le souci de remplir les postes vacants et d’améliorer les performances de son gouvernement.
« Les rumeurs selon lesquelles le chef du gouvernement aurait décidé de procéder à un remaniement dans le dessein d’écarter des ministres placés par le président de la République Kaïs Saïed, sont sans fondement », a-t-il soutenu. Assurant à l’occasion que la Constitution tunisienne avait bien délimité les prérogatives des deux têtes de l’exécutif.
Pas de normalisation avec Israël
Enfin, prié de donner son sentiment sur le soutien controversé du parti marocain Justice et Développement, d’obédience islamiste, à la décision du royaume chérifien de normaliser avec l’Etat hébreu, l’invité de la chaîne Al Araby TV l’a qualifiée « de malheureuse ». Expliquant qu’en Tunisie, « il existe un consensus populaire sur le rejet de toutes formes de normalisation avec l’entité sioniste ».