Le large remaniement ministériel opéré samedi par le chef du gouvernement Hichem Mechichi se distingue par deux faits. D’abord, l’absence flagrante de femmes; et ensuite l’élimination des ministres dit proches de Carthage. Analyse.
Très attendu, maintes fois retardé, déjà controversé, le remaniement ministériel annoncé par le chef du gouvernement tunisien, Hichem Mechichi, a fini par voir le jour. Et ce, samedi soir à 17h précises, une fois n’est pas coutume.
Ainsi, à peine quatre mois et demi qu’il est installé au palais de la Kasbah, et déjà le chef du gouvernement procède à un large remaniement ministériel. En effet, il touche 11 portefeuilles sur 25, dont deux ministères régaliens; en l’occurrence: la Justice et l’Intérieur.
Gouvernement apolitique?
A première vue, et de part leur Curriculum vitæ, cela saute aux yeux que le gouvernement Mechichi 2 est composé de plusieurs noms à la compétence indiscutable. Apparemment une équipe apolitique, formée pour la plupart des anciens de l’ENA. Même s’il n’est pas avéré que certains nouveaux ministres n’aient coupé le cordon ombilical avec toute allégeance partisane.
Parité non respectée
Mais, surprise et stupeur, la parité pourtant gravée dans la Constitution, ne semble pas prise en compte dans le choix de M. Mechichi.
Ainsi, tous les observateurs sont unanimes à déplorer l’absence flagrante de la femme. Bien entendu, il ne s’agit nullement d’attribuer un portefeuille ministériel à une femme pour le décor. Mais parce que notre pays regorge de compétences féminines au plus haut niveau. Lesquelles ont fait leur preuve et brillé de mille feux au sein des instances internationales.
A contrario, le nombre de femme se réduit comme peau de chagrin avec le départ de Saloua Sghaïer, Thouraya Jeribi, Leila Jaffel et Akissa Bahri. Ainsi, il ne reste au gouvernement que trois ministres et un secrétaire d’Etat. En l’occurrence: Imen Houimel, ministre de la Femme, de la Famille et des Seniors; Olfa Ben Ouda, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique; Hasna Ben Slimane, ministre auprès du chef du gouvernement chargée de la Fonction publique; et Sihem Ayadi, secrétaire d’État auprès du ministre de la Jeunesse et des Sports.
Or, de l’avis de plusieurs observateurs, cette entorse à ce principe constitutionnel, l’égalité homme-femme, posera certainement problème lors de la soumission de nouveaux ministres à un vote devant l’Assemblée des représentants du peuple.
Premier ministre?
D’autre part, le deuxième enseignement tiré de ce remaniement est que le locataire du palais de la Kasbah tire profit de ce grand remue-ménage pour régler ses comptes avec Carthage. Ecartant les ministres désignés par la présidence de la République pour les remplacer par d’autres. Hichem Mechichi s’est-il débarrassé de facto de l’inquiétude de Premier ministre?
Un gouvernement de sérail?
Ainsi, il a mis sur la touche Taoufik Charefeddine, le ministre de l’Intérieur et ancien coordinateur de la campagne présidentielle à Sousse. Puis, il a nommé Walid Dhabi, son ex-chef de cabinet, un fidèle parmi les fidèles à l’Avenue Habib Bourguiba. Certainement pour garder un œil sur ce département stratégique.
De même qu’il s’est débarrassé dans la foulée des ministres réputés proches de la présidence de la République. A l’instar des ministres de la Justice, de la Santé, de la ministre chargée des Relations avec les instances constitutionnelles et de la société civile, du ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières. Sans oublier le ministre de l’Agriculture.
A noter à cet égard que trois anciens ministres ont été rappelés: Moncef Ben Mosbah, ancien ministre du Commerce et de l’Artisanat de 2009 à 2010; Chiheb Ben Ahmed, ancien ministre du Transport dans le gouvernement de Mehdi Jomaa; et Oussama Kheriji, dont la proximité avec Ennahdha n’est un secret pour personne. Lequel retrouve son poste de ministre de l’Agriculture et des ressources hydrauliques.
Reste qu’opérer un remaniement d’envergure après seulement quatre mois et demi n’est pas de nature à rassurer nos partenaires internationaux. Car il est évident que la stabilité politique est inévitable pour faire face aux grands défis qui attendent ce gouvernement, notamment sur le plan social et économique.
Croisons les doigts. Et bon vent quand même.