Comment parler aux jeunes? Lesquels, bravant le couvre-feu, manifestent sous couvert de la nuit, en causant des troubles. Et dont certains affrontent les forces de l’ordre à coup de pierres et de cocktails Molotov. Un exercice périlleux pour le président de la République et son chef du gouvernement qui se sont adressés à ces jeunes, avec plus ou moins de bonheur.
Emeutes, mouvements sociaux, manifestations légitimes, des « parties » qui attisent le feu, colère populaire exprimée par des actes de violence et de vandalisme, ras le bol général d’une jeunesse aux abois? Il est clair que dans son ensemble, la classe politique en Tunisie est déboussolée face à la vague de protestations et de troubles nocturnes qui s’est propagée comme un feu de brousse aux quatre coins du pays.
Or, à défaut de donner un nom à cette forme inédite de protestations, sans dirigeants ni mots d’ordre, il est difficile de trouver les mots justes pour s’adresser à ces jeunes… sans visage. Puisqu’ils opèrent dans les ténèbres de la nuit.
Un discours raté
Une illustration du désarroi de nos dirigeants et leur incapacité manifeste de communiquer avec les jeunes manifestants qui narguent depuis jeudi dernier les forces de l’ordre? Le discours « solennel » que le chef du gouvernement adressait dans la soirée du mardi 19 janvier au peuple.
Un discours insipide, froid, qui souffle le chaud et le froid, entre « je vous ai compris » et la menace du gros bâton.
De plus, un discours de trop qui n’ajoute rien à celui prononcé quelques heures plutôt. Et ce, lors de son entretien avec les hauts responsables sécuritaires à la Kasbah, pour examiner les réponses adéquates à ces troubles. « La colère et la frustration des jeunes, dans toutes les régions, sont compréhensibles et nous comprenons. Cela dit, nous nous devons d’appliquer la loi sur ceux qui pillent les biens publics et ceux d’autrui ». Ainsi avait menacé le chef du gouvernement. Soulignant à l’occasion que ces troubles nocturnes sont loin d’être « innocents ».
De plus, et c’est le hic, le tout exprimé en arabe littéraire; à destination des manifestants dont une bonne partie est composée de jeunes ados sachant à peine lire et écrire. Bref, un discours déconnecté de la réalité et raté au niveau du continu et de la forme.
« Ne les laissez pas profiter de vous »
En revanche, force est de reconnaitre le courage du président de la République Kaïs Saïed, le seul homme politique étant descendu sur le terrain.
En effet, lors d’une visite « inopinée », mais savamment orchestrée au quartier populaire de Mnihla, le Président s’est adressé aux « wled el houma ». Et ce, pour leur dire qu’il sympathise avec leurs revendications « légitimes ». Mais, non à la violence: « Ne les laissez pas profiter de vous ! », a-t-il martelé. Allusion faite à des parties qui seraient derrière ces manifestants.
Sauf que, soupçonnant des « parties » de manipuler la rue, pourquoi le chef de l’Etat ne dévoile-t-il pas aux Tunisiens le visage de ces parties occultes qui travaillent dans les « chambres noires », selon l’une de ses expressions favorites?
Car, la vérité c’est que nos dirigeants savent parfaitement que les émeutes observées depuis le dernier confinement général de quatre jours, lequel n’était motivé que par des raisons sécuritaires, reflètent une colère populaire infiltrée par des jeunes manifestants, dont des sauvageons ayant profité de la pénombre pour casser et piller. Le reste, c’est du vent.