La polémique enfle autour des déclarations d’Abdelkrim Harouni et de Mohamed Goumani, respectivement président du Conseil de la choura et député d’Ennahdha. Et ce, à propos de la disposition du parti islamiste à aider les forces de sécurité pour faire face aux émeutiers nocturnes; en mobilisant ses milices.
Ainsi, Ennahdha semble renouer avec ses vieux démons. Sinon comment expliquer que deux de ses dirigeants de premier plan, Abdelkrim Harouni, président du Conseil de la choura et le député Mohamed Goumani ont affirmé la disposition du parti islamiste à se placer aux côtés des forces de sécurité? Et ce, pour faire face aux protestataires; en appelant à la rescousse les jeunes du mouvement, regroupés en milices.
Message codé ?
D’ailleurs, sûr de lui, le président du Conseil de la Choura, un fidèle parmi les fidèles de Rached Ghannouchi, révèle sur le plateau de la chaine privée Zitouna que les jeunes d’Ennahdha seront déployés pour aider les forces de sécurité à protéger les biens privés et publics. « Les jeunes d’Ennahdha seront sur le terrain pour appuyer les forces de sécurité et faire face aux fauteurs de troubles », assurait-il.
A noter que l’emploi du futur signifie que « les jeunes d’Ennahdha » sont déjà mobilisés et qu’ils n’attendent que le feu vert de leurs dirigeants pour être opérationnels. S’agit-il d’un message codé adressé à l’intention de la milice du mouvement islamiste pour qu’elle se tienne prête à en découdre sur le terrain avec « les fauteurs de trouble »?
Même son de cloche de la part Mohamed Goumani qui arguait pour sa part sur la chaîne TV Al Watanya 1 que « les forces civiles pourraient soutenir les efforts des forces de l’ordre pour protéger les quartiers ».
Et d’argumenter: « Lors de l’attaque perpétrée à Ben Guerdane, les habitants ont soutenu les efforts de l’armée contre les terroristes. Les jeunes d’Ennahdha sont présents sur les lieux et peuvent aider les forces de l’ordre à faire face aux pilleurs ». Argument fallacieux car cette ville du Sud fut attaquée par des terroristes sans foi ni loi et protégée par les forces de l’ordre qui étaient épaulées par la population entière. Nuance.
Le spectre des milices d’Ennahdha
Des déclarations qui ont soulevé un tollé dans la classe politique et au sein de l’opinion publique. En faisant resurgir le cauchemar des milices intégristes du sinistre Imed Dghiig, figure emblématique des fameuses Ligues de la protection de la révolution. Le bras armé du mouvement islamiste coupable de plusieurs actes de violence, dont notamment l’attaque contre le siège de l’UGTT en 2012.
De l’avis général, ces déclarations belliqueuses interviennent dans un contexte sécuritaire tendu à l’extrême et marqué par des émeutes nocturnes opposant de jeunes manifestants aux forces de l’ordre à coup de pierres, de cocktail Molotov et de gaz lacrymogène. Et ce, sur fond de « revendications légitimes », de l’aveu même du chef du gouvernement Hichem Mechichi.
La Voix discordante de Mekki
A noter dans ce sens que les déclarations de Harouni et de Goumani ne font pas l’unanimité; et ce, même dans les rangs du mouvement Ennahdha.
Puisque Abdellatif Mekki, membre du bureau exécutif d’Ennahdha et vice-président chargé des relations avec les organismes nationaux, estime pour sa part que: « En toute clarté, le mouvement Ennahdha reconnait le droit de manifester et de protester pacifiquement… C’est un des piliers de la démocratie et il ne fera jamais l’objet de controverses, d’hésitations ou de remise en question ».
« Mais seules les forces de sécurité sont habilitées à intervenir sur le terrain pour protéger les bien publics et faire régner l’ordre ». C’est ce qu’il a écrit dans un post FB daté du jeudi 21 janvier 2021.
Enfin un appel à la raison, face aux dérapages qui risquent de plonger le pays dans les affres de l’inconnu.