Face au crédo présidentiel selon lequel « les personnes suspectées d’être impliquées dans des affaires de conflit d’intérêts ne pourront pas prêter serment », Hichem Mechichi se montre confiant. Et ce quant à la tenue de la cérémonie de prestation de serment des nouveaux ministres, qui ne saurait tarder. Alors, disposerait-il d’un plan de rechange si Kaïs Saïed maintenait sa menace ?
Attention, un discours peut en cacher un autre. Car, coincé entre le marteau et l’enclume, se trouvant au milieu d’un affrontement titanesque entre l’homme qui l’a désigné à ce poste et celui qui est devenu son mentor et protecteur, le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, ne peut pas rester indéfiniment les bras croisés. Et ce, en attendant que le président de la République veuille convoquer les nouveaux ministres pour prêter serment. Il faut agir vite car il y a urgence.
Les coulisses d’une visite
Et c’est dans ce contexte qu’il faut placer la visite que le chef du gouvernement rendait, hier lundi 1er février 2021, au siège de l’Instance Nationale de lutte contre la corruption (INLUCC).
En effet, officiellement il s’agissait de « prendre connaissance du déroulement de la déclaration du patrimoine. Et du renouvellement de la composition des membres de son conseil dont le mandat s’est terminé depuis mars 2020 ».
Ainsi, Hichem Mechichi a profité de cette visite pour « exprimer le soutien du gouvernement au processus de lutte contre la corruption. Et ce, en accélérant la parution des décrets inhérents la teneur desdites déclarations. Tout en dotant l’instance d’un dispositif de contrôle et d’investigation ». C’est ce qui ressort d’un communiqué en langue de bois, digne de la défunte agence Tass, l’organisme de propagande de l’Union soviétique de l’époque.
Or, dans les coulisses, le premier ministre serait venu s’enquérir sur place des données que détiendrait l’INLUCC sur les nouveaux ministres ayant obtenu la confiance de l’ARP.
Sachant que l’INLUCC avait annoncé le 18 janvier 2021 avoir fourni au chef du gouvernement toutes les données dont elle dispose, au sujet des noms proposés aux portefeuilles ministériels. Et ce, « dans le cadre de l’exercice de ses prérogatives légales ».
D’ailleurs, Hichem Mechchi s’était engagé lors de sa prestation à l’hémicycle « à prendre les mesures nécessaires; et ce, si l’intégrité de ses ministres était remise en cause ».
Cependant, rappelons qu’à ce jour, le président de la République laisse planer le doute sur son intention de recevoir ou pas certains titulaires de portefeuilles ministériels. Puisqu’il avait déclaré devant la réunion du Conseil de la sécurité nationale que « les personnes suspectées d’être impliquées dans des affaires de conflit d’intérêts ne pourront pas prêter serment ».
« Une question de temps »
Néanmoins, Hichem Mechichi s’est montré confiant quant à la prochaine tenue de la cérémonie de prestation de serment des nouveaux ministres.
De plus, il ajoutait que les pouvoirs constitutionnels étaient clairs, et que la tenue de cette cérémonie se résumait à une « question de temps ».
« Il est temps de faire le nécessaire pour permettre aux nouveaux ministres d’exercer leurs fonctions. Mais aussi de se concentrer sur ce qui préoccupe les Tunisiens; à l’instar de la situation sanitaire et économique ». C’est ce qu’il déclarait lundi 1er février 2021, sur les ondes de Jawhara fm.
Et d’arguer: « On ne peut plus maintenir des ministères sensibles sans ministres, la situation du pays ne le permet pas. »
Hichem Mechichi pourrait avoir un Plan B
Mais que faire si le Président s’obstinait dans son refus, bloquant ainsi la prise de fonction de la nouvelle équipe gouvernementale? Y a-t-il un plan B pour sortir de cette crise institutionnelle et constitutionnelle?
Oui, cela est possible par une entourloupette « technique ». Tout d’abord, il s’agirait de limoger les 11 anciens ministres par décret. Puis de les remplacer illico par les nouveaux ministres. Et ce, en invoquant la vacance des postes sensibles et l’urgence de la situation sanitaire et économique.
C’est certainement prendre des libertés avec l’esprit de la Constitution. Mais ce scénario est jouable de l’avis de plusieurs observateurs politiques.