L’ennemi de mon ennemi est mon ami. Telle semble être la profession de foi du président de la République. Ira-t-on vers une alliance inédite entre le duo Kaïs Saïed/Tabboubi contre Mechichi et son nouveau mentor politique Rached Ghannouchi?
Personnage psychorigide dépourvu de souplesse intellectuelle, Kaïs Saïed ne lâche point du lest et ne change jamais ses positions d’un iota. Par conviction éthique et même religieuse?
Sans vouloir tomber dans une hasardeuse analyse psychiatrique de la personnalité complexe du président de la République Kaïs Saïed. Néanmoins, sa détermination à refuser la prestation de serment des ministres adoubés par le pouvoir législatif, sous prétexte de suspicion de corruption ou de conflit d’intérêts, laisse perplexe.
Rencontre « chaleureuse »
Car il le dit sans détour, via la vidéo postée par la présidence de la République; et ce, en recevant hier mercredi le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, au Palais de Carthage.
« Je remercie Dieu, je remercie Dieu, je remercie Dieu pour l’opportunité qui m’est offerte de rencontrer un vrai patriote sincère qui ne change pas de position au gré des équilibres et des alliances. Soyez toujours le bienvenu, frère et secrétaire général d’une organisation patriote ». Ainsi s’est-il écrié avec une chaleur qui ne lui est pas coutumière, en recevant le patron de la centrale ouvrière.
Toutefois, à aucun moment, l’initiative de l’UGTT de Dialogue national n’a été évoquée. Ni dans son discours, ni dans le communiqué émanant de la présidence de la République. Comme si cette initiative était ajournée sine die ou tout simplement devenue caduque.
Sinon comment interpréter l’énigmatique explication de Kaïs Saïed à ce sujet ? « Le Président a souligné qu’il respecte le rôle national de l’UGTT; mais ne peut renoncer aux principes et aux promesses qu’il a faits au peuple ». C’est ce qu’on peut lire dans le communiqué qui accompagne le discours présidentiel.
Pas de compromis
A noter que, non seulement le Président écarte d’un revers de la main tout compromis au sujet de la prestation du serment. Mais, de plus, il rejette catégoriquement le principe même de « mesures impossibles » soufflées par certains juristes pour débloquer une situation juridique, politique, institutionnelle et constitutionnelle sans issue.
D’ailleurs, lors de son discours, le chef de l’Etat n’a pas pu s’empêcher de nous donner un cours magistral sur la prestation de serment. De simple formalité à ses yeux, elle devient un pacte Kassam, en référence au texte coranique.
« Si certains estiment que la prestation de serment est une simple procédure, ils doivent également considérer la profession de foi (chahada) le jour du jugement dernier comme une simple procédure aussi », a-t-il ironisé.
Afin de débloquer la crise actuelle, le président s’est dit « prêt à toutes les solutions possibles. Mais qu’il n’est pas prêt à revenir sur ses principes ».
« Ils parlent du principe « de la procédure impossible », mais ils ignorent qu’il s’agit d’un principe relevant du droit administratif et non du droit constitutionnel. Je suis prêt au dialogue, mais pas avec ceux qui ont appauvri les Tunisiens durant des décennies », ajoutait-il.
Kaïs Saïed « égal à lui-même »
Mais qui est responsable de la crise actuelle, s’est-il interrogé ? Certainement pas le président de la République, affirme-t-il. « Depuis mon investiture, je n’ai cessé de mener des concertations. Soit pour la formation d’un gouvernement; soit pour remédier à sa chute et apporter les modifications nécessaires. Je reste égal à moi-même et je respecte mes engagements face au peuple et aux damnés de la terre ».
Selon les observateurs avertis de la scène politique, le président de la République, fort du soutien du SG de l’UGTT, laquelle avait publiquement pris position contre le remaniement opéré par Hichem Mechichi, est déterminé à aller jusqu’au bout. Quitte à provoquer une crise inédite, dans l’espoir de pousser l’homme qu’il a choisi, mais qui lui a tenu tête, à jeter l’éponge.