Plus de 100 organisations ont appelé à la manifestation qui se tiendra aujourd’hui 6 février 2021 à Tunis. Les raisons de ces appels, certes, sont multiples, mais elles convergent toutes vers un mécontentement général.
Partis politiques, ONG, syndicats et collectifs avaient tous appelé ces derniers jours à manifester à Tunis mais aussi dans plusieurs villes. Chaque groupe a décidé d’un point de rassemblement pour ensuite rejoindre les autres au cœur de la capitale. La manifestation se déroulera à l’Avenue Habib Bourguiba à partir de 13h.
Ainsi, les différentes coordinations ayant appelé aux rassemblements ont avancé les raisons légitimant ces protestations. Selon toute vraisemblance, la mobilisation sera plus importante que lors des dernières manifestations.
Tous les vents sont contraires
Les appels à ces protestations résultent selon certains de la situation socio-économique critique que traverse le pays. Les manifestants réclament la mise en place de réformes gouvernementales sociales qui répondent à leurs attentes. Bien évidemment, nous n’avons pas besoin d’un génie en sociologie ou en économie pour comprendre qu’en Tunisie « rien ne va plus ».
Le pays traverse des difficultés économiques depuis une dizaine d’années. L’économie s’est effondrée rapidement durant ces dix dernières années. Carthage s’est alors retrouvée dans l’obligation de s’endetter, chose qui n’a pas vraiment arrangé les choses.
« A bas le système ! »
D’autre part, la crise constitutionnelle/politique du moment n’a fait qu’accentuer les tensions. Notre gouvernement s’est retrouvé amputé de 11 ministres suite au remaniement voté le 26 janvier 2021. Or, le Président de la République, Kais Saied, refuse toujours de tenir la cérémonie de prestation de serment.
Cet événement a représenté l’occasion idéale pour certains de se dresser contre le système politique mis en place par la Constitution de 2014.
« Amendement de la Constitution! Référendum! Article 80! Dissolution du parlement! ». Tous ces slogans ont été scandés lors des dernières manifestations.
Les protestataires considèrent que la deuxième République souffre d’un système boiteux à la botte des partis politiques et soumis au jeu des alliances.
En l’espace de dix ans, la Tunisie s’est dotée de plus de 15 gouvernements et aucun d’eux n’a pu échapper aux tensions politiques. Les conflits se sont succédé entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.
En effet, les premières critiques se sont acharnées sur le mode de scrutin choisi pour élire les représentants du peuple à l’ANC et à l’ARP. Les Tunisiens ont jugé que la loi électorale encourage la multiplicité des partis politiques. Elle rend difficile la mise en place d’une majorité stable. Les coalitions et alliances que nous avons dû endurer ne peuvent que le confirmer.
Sans trop entrer dans les détails, notre historique politique révolutionnaire pointe à maintes reprises l’échec politique. La crise Troïka, le conflit Beji Caied Essebsi et Youssef Chahed, les soupçons de conflit d’intérêts de Elyes Fakhfakh et bien évidemment la « trahison » de Hichem Mechichi vis-à -vis de Kaïs Saied. Tous ces événements viennent appuyer le discours mettant en avant « l’échec du système ».
Liberté, Égalité, Fraternité
Il s’agit là d’un élément bien au cœur de l’état général de mécontentement. Constamment évoquée , la mobilisation d’aujourd’hui vise, selon les manifestants, a contesté une approche sécuritaire répressive. « La remise en liberté inconditionnelle des détenus! » Crient-ils ces dernières semaines.
Sur les réseaux sociaux, à travers les communiqués et certains médias, une jeunesse engagée critique la détention de participants aux manifestations précédentes. Ces interpellations ont eu lieu durant les manifestations mais aussi après. Des syndicats des forces de l’ordre avaient décidé de poursuivre en justice des manifestants pour le fameux jet de peinture durant la manifestation du 30 janvier 2021.
L’affaire de la décennie
« Qui a tué Chokri Belaid? » : 8 ans déjà que l’énigme taraude les Tunisiens. Il s’agit là d’un événement bien triste qui a plongé le pays dans l’une des crises politiques les plus aiguës. Elle a entraîné, en quelques semaines, la chute du gouvernement de Hamadi Jebali.
Fidèle à la cause, les partis de gauche participeront aujourd’hui à la manifestation de l’avenue Habib Bourguiba. Ils ont lancé un appel à mobilisation afin de commémorer l’assassinat de leur camarde Chokri Belaïd, le 6 février 2013. Ils demanderont encore et encore des réponses à cette question…
Par ailleurs, l’UGTT a appelé à une mobilisation nationale pour réclamer la vérité sur les assassinats politiques. La centrale syndicale a également critiqué l’état d’avancement des enquêtes et l’absence de visibilité.
Néanmoins, et pour ne pas sombrer dans un état mélancolique, n’oublions pas que notre chère deuxième république a pu surmonter ces crises. L’histoire de notre révolution a même réussi à décrocher le Prix Nobel de la Paix. Finalement, la volonté du peuple a su s’imposer. La Tunisie essaie tant bien que mal de maintenir le cap vers la réalisation des objectifs de la révolution…
A la lecture de ces lignes, nous venons d’apprendre que les forces de l’ordre sont en train de bloquer l’accès à l’avenue Habib Bourguiba. Des témoins nous ont confié la mise en place d’un dispositif sécuritaire renforcé.