Lors d’une longue interview accordée jeudi 11 février au site d’Al Jazeera.net, le président de l’ARP, Rached Ghannouchi, est revenu sur plusieurs sujets d’actualité. Et notamment sur le conflit larvé entre le Président et son chef du gouvernement, concernant les suites du dernier remaniement ministériel.
«La Constitution de 2014 ne donne pas au président de la République toute latitude d’opposer un refus à la prestation de serment des nouveaux ministres ayant obtenu le vote de la majorité au Parlement ». Ainsi décrétait doctement le président de l’ARP, Rached Ghannouchi, lors de l’interview, hier jeudi sur le site d’Al Jazeera.net.
Par contre, « le Parlement a rempli son devoir en accordant la confiance aux ministres proposés dans le cadre du remaniement ministériel. Le Président de la République devait en conséquence fixer une date pour la prestation de serment ». C’est ce que précisait encore le leader islamiste. S’invitant par la même au différend entre Hichem Mechichi et le président de la République, à propos du récent remaniement ministériel.
Primauté de la Justice
« Il appert que le Président de la République a des réserves sur certains des ministres. En raison de soupçons de corruption ou de conflit d’intérêts qui planent sur eux », poursuit Rached Ghannouchi.
« Bien que la Constitution ne lui donne pas le droit d’écarter les ministres ayant obtenu un vote majoritaire à l’hémicycle, nous ne savons pas encore qui sont les ministres concernés, ni la nature des réserves émises à leur encontre », s’interroge Ghannouchi. D’ailleurs, il ne cache pas qu’il s’aligne totalement sur les positions du chef du gouvernement. Pas par conviction, en habile tacticien il en a pas des tonnes, mais pour affaiblir son ennemi juré: le locataire du palais de Carthage dont il lorgne secrètement le poste.
En outre, Ghannouchi affirme avec force que « seule la Justice est habilitée à trancher afin de démêler le vrai du faux dans les accusations de corruption. Tout en évoquant le principe de la présomption d’innocence, « l’accusé est innocent jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie ».
Et de poursuivre, conciliant: « Dans tous les cas, nous espérons qu’une solution sera rapidement avec le Président de la République, dans le cadre de la Constitution. Afin que le gouvernement puisse faire face à la crise sanitaire et économique à laquelle nous sommes confrontés. »
« Je ne suis pas arrivé au Parlement sur un char »
Ensuite, il devait exprimer son opinion sur les appels à la démission du gouvernement. Alors, le leader du mouvement d’Ennahdha estime que cette solution est « peu probable car n’étant pas dans l’intérêt du pays. A fortiori quand le pays est dans l’œil du cyclone d’une crise sanitaire et économique sans précédent ».
« L’existence d’une forte majorité qui soutient le gouvernement est non seulement nécessaire au bon le fonctionnement des rouages de l’Etat; mais aussi dans l’intérêt suprême de la Tunisie », argumente-t-il.
Et que penser de la nouvelle motion de retrait de confiance à son encontre? L’invité d’Al Jazeera a tenu à rappeler « qu’il n’est pas arrivé au Parlement sur un char ». Mais que bien au contraire, il avait été choisi pour occuper le Perchoir « grâce à la majorité de ses collègues ».
Et de botter en touche: « Il est évident pour tout le monde que l’objectif de ces tentatives récurrentes est politique par excellence. Car elles visent à porter atteinte à l’institution parlementaire et à perturber son bon fonctionnement. Enfin, à envenimer le climat et à accroître la tension ».
Enfin, le président de l’ARP concluait sur une note positive: « La Tunisie surmontera la crise actuelle, comme elle en a surmonté d’autres. Les Tunisiens se battent souvent au bord du précipice, mais ne tombent pas », a-t-il souligné.
Alors, que penser de cette interview accordée au média qatari, chantre de l’Islam politique? Le cheikh de Montplaisir semble être chez lui, très à l’aise. Et ce, tant les questions posées par le journaliste d’Al Jazeera étaient insipides, complaisantes, faites sur mesure et sans contradiction aucune.