Lors de sa rencontre avec les jeunes dans un cadre sympathique, un café culturel, le chef du Gouvernement Hichem Mechichi est revenu sur la loi 52 très controversée. Il reconnait que « le système de sanction actuel a prouvé son échec à réduire les taux de consommation de drogue ».
Un scandale et l’exemple type de la mauvaise interprétation d’une loi scélérate: la loi 52.
Souvenez-vous: le 21 janvier 2021, le Tribunal de première instance du Kef condamnait trois jeunes à 30 ans de prison. Pour un crime de sang? Un acte à caractère terroriste? Une grave atteinte à la sureté de l’Etat? Vous n’y êtes pas.
En effet, ces malheureux étaient tout simplement coupables de consommation et de détention de stupéfiants dans un endroit public. Et, cerise sur le gâteau, le crime s’est déroulé, suprême sacrilège, dans un stade désaffecté !
De l’interprétation abusive de la Loi
« L’un des prévenus, le gardien du stade, avait caché une quantité de cannabis dans les vestiaires. Tandis que les trois prévenus consommaient ces matières stupéfiantes sur la piste du stade ». C’est ce qu’arguait à l’époque le porte-parole au Tribunal de première instance du Kef. Tout en soulignant que l’article 11 de la loi 52 impose, dans ce cas, l’application de la « peine maximale ».
Ainsi, « en son âme et conscience », le juge opta pour le cumul des différentes infractions (constitution d’une bande + consommation de stupéfiants + lieu public) et de leur appliquer la « peine maximale ». D’où le verdict de 30 ans pour un seul fait : fumer un pétard dans un stade! Le comble du ridicule…
Et pourtant, la fameuse « loi 52 » décriée partout comme excessivement répressive, même par l’ancien président de la République, feu Béji Caïd Essebsi, est toujours en vigueur.
Vers la révision de la Loi 52
C’est dans ce contexte que le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, insistait sur la nécessité de revoir la loi 52. Et ce, lors d’une rencontre ce week-end au théâtre l’Etoile du Nord à Tunis, avec un groupe de jeunes; ainsi qu’avec des représentants des différentes composantes de la société civile.
Tout d’abord, il a estimé que cette condamnation à 30 ans de prison est « lourde ». Puis, il a promis que « le gouvernement se penchera sur la révision et l’amendement de la loi 52, relative à la consommation des stupéfiants ». Tout en appelant à l’occasion les différents acteurs de la société civile à coopérer avec le gouvernement. Et ce, en vue de présenter une initiative législative pour réformer cette loi.
« Rompre avec le système de sanction »
D’une part, M. Mechichi insistait sur la nécessité de traiter cette question d’un point de vue sanitaire. Conformément aux engagements de la République tunisienne à l’égard d’un certain nombre d’accords internationaux ratifiés. Car « les stupéfiants contribuent à aggraver l’état de santé des personnes souffrant de maladies psychologiques et neurologiques en particulier ».
D’autre art, le chef du gouvernement exprimait sa ferme conviction « de la nécessité de rompre avec le système de sanction actuel. Puisqu’il a prouvé son échec à réduire les taux de consommation de drogues de toutes sortes. Contribuant même à obscurcir l’avenir de nombreux jeunes tunisiens. Et à les orienter vers la déviation, l’extrémisme, la violence et le crime organisé », reconnaissait-il.
« Laissons les jeunes respirer »
Toujours dans le même registre, rappelons que lors de son intervention à la plénière du vote de confiance aux 11 nouveaux ministres, le député de Qalb Tounes, Fares Blel, lançait un émouvant appel au chef du gouvernement. Et ce, pour l’exhorter à trouver des sanctions pénales de substitution aux peines d’emprisonnement infligées aux jeunes consommateurs de cannabis.
« Laissons les jeunes respirer… Changeons cette loi 52… Pourquoi les jeter en prison?! Essayons de trouver des sanctions alternatives. Pourquoi ne pas activer le travail d’intérêt général? », s’était-il écrié.
Et d’ajouter sur son profil FB « toute forme d’atteinte aux libertés fondamentales et d’oppression est perçue par le citoyen et plus particulièrement par la jeunesse comme une humiliation! Face à l’absurdité de la peine de 30 ans de prison prononcée contre des consommateurs de cannabis, il devient urgent d’amender la législation. Et remplacer les peines de prison par des amendes et des peines de travaux d’intérêt général. Ce sera un grand pas vers la véritable réconciliation nationale qui doit se faire entre l’État et ses institutions d’une part; et le citoyen et la jeunesse d’autre part! » Bien dit.
Sachant que le travail d’intérêt général est une sanction de substitution comme alternative à l’emprisonnement pour des délits mineurs. Ainsi, le condamné effectue un travail non rémunéré au profit d’un organisme public; et ce, en guise de réparation de l’infraction commise.
Enfin, il a lieu de constater qu’au lieu de prendre le mal-être de la jeunesse par les cornes, les gouvernements successifs, depuis l’indépendance, se sont rabattus sur la répression; en s’appuyant sur une loi devenue caduque par la force des choses.