En procédant à un remaniement restreint, Hichem Mechichi a surpris tout le monde. S’agit-il d’un plan B destiné à apaiser les esprits ou d’un passage en force qui aurait pour conséquence d’aggraver la tension insoutenable avec Carthage?
« Les vents me sont moins qu’à vous redoutables. Je plie, et ne romps pas ». Inspiré par les Fables de La Fontaine, le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, décidait, à la surprise générale, d’opérer hier lundi 15 février, un mini-remaniement. En démettant de leurs fonctions cinq ministres concernés par un précédent remaniement. Tout en chargeant cinq autres en exercice d’assurer l’intérim.
Alors serait-ce une habille manœuvre destinée à apaiser les esprits? Ou un passage en force dans le cadre du bras de fer opposant les deux têtes de l’Exécutif?
Une solution à la tunisienne
Il semble que M. Mechichi ait opté pour une solution « à la tunisienne »: faire une concession au locataire du palais de Carthage en évitant le passage en force. Sans renoncer pour autant au remaniement ministériel auquel il a procédé. Et ce, pour contourner le véto présidentiel à la prestation de serment des 11 nouveaux ministres pourtant adoubés par le pouvoir législatif à une large majorité.
Ainsi, le chef du gouvernement choisit la voie de l’apaisement au détriment de certaines voix de sa « ceinture politique », notamment celles de l’aile dure d’Ennahdha qui le pousse à camper sur ses positions. Sous prétexte qu’en vertu de la Constitution, il a toute latitude de procéder à un remaniement ministériel sans se référer au Président de la République. A l’exception des postes de la Défense et des Affaires étrangères.
Une démarche controversée
Or, il est clair que la nouvelle démarche du chef du gouvernement ne semble pas plaire à tout le monde. Car le Président de la République sort apparemment gagnant dans ce bras de fer. Bien qu’il ait perdu pratiquement tous les ministres qui lui sont proches et qui ont été brutalement écartés.
De même, il remporte une victoire en écartant à son tour les ministres sur lesquels planent des soupçons de corruption ou de conflits d’intérêts. Le hic c’est que jusqu’à nouvel ordre, personne ne connait précisément le nom de ces personnalités victimes de l’ire présidentielle.
Mais qu’en est-il du trio Ennahdha-Qalb Tounes-Al Karama qui est supposé représenter le « coussin politique » de Mechichi au Parlement?
« Une solution provisoire »
D’évidence, le mouvement Ennahdha, chef du fil de la coalition gouvernementale à l’ARP ne sait pas trop comment réagir à l’audacieuse initiative de son protégé, supposé être vierge politiquement. Mais qui a démontré un certain tempérament à s’affranchir de la pesante ombre de Carthage.
Prudent et désarçonné, Montplaisir ne voit dans ce mini-remaniement qu’une « solution provisoire ».
« En attendant la mise en place de la Cour constitutionnelle, il faudra que toutes les parties soient conciliantes pour ne pas retarder les intérêts de l’Etat. Le remplacement des ministres suspectés de corruption et de conflit d’intérêts est une décision qui revient au chef du gouvernement et ce dernier n’a pas l’intention d’imposer son avis mais de respecter la Constitution ». Ainsi réagissait Rached Ghannouchi à l’initiative de Hichem Mechichi. Une approbation mi-figue, mi-raisin.
Pour sa part, le chef de l’Etat Kaïs Saïed a adressé le même jour une lettre à l’écriture Kouffi à son chef du gouvernement afin de lui explique les raisons de refus du remaniement ministériel.
En effet, pour le Président, le remaniement n’a pas été discuté dans un conseil ministériel, conformément à l’article 92 de la Constitution.
Toutefois, d’abord, Hichem Mechichi n’est pas obligé de solliciter la confiance du parlement pour ses nouveaux ministres.
Ensuite, la prestation de serment n’est pas un acte protocolaire; mais elle est indispensable pour la nomination des nouveaux ministres.
Fragilité
En conclusion, le remaniement restreint semble fragile de part son instabilité. Il est par nature provisoire en attendant que les rapports avec le chef de l’Etat se dessinent. En attendant, les ministres aux doubles portefeuilles feront de leur mieux pour supporter le poids de leur double charge. Jusqu’à quand?