La situation des finances publiques est l’une des principales sources d’inquiétudes des Tunisiens, quels que soient leurs profils socio-économiques. La raison en est simple: ils sont tous convaincus qu’en l’absence de ressources, l’Etat va resserrer son étau fiscal autour de tous.
Historiquement, le début d’année est rarement mouvementé côté budgétaire. C’est généralement le calme autour des finances publiques qui règne et les caisses sont normalement renflouées. Le Trésor monte en crescendo et intensifie progressivement ses interventions sur le marché monétaire.
Début sur les chapeaux de roue
Ainsi, cette année débutait avec une adjudication d’échange pour une ligne de BTA. Avec une programmation d’échéance pour la première quinzaine de janvier. De plus, le Trésor réussissait à reporter le paiement de 305,061 MTND à des dates ultérieures, dont la plus proche est en 2027. En contrepartie, il payait des retombées de 395,429 MTND et levait, sous forme de BTA et de BTCT, 405,900 MTND. Pourtant, la pression n’est pas grande durant les prochains mois. Avec seulement 63,500 MTND à rembourser sur la période mars-mai 2020.
A cela, s’ajoute l’obtention de 156 M$ et de 260 M€ auprès des banques locales. Elle permettraient de compenser un montant presque similaire destiné au paiement de deux tranches de prêts syndiqués obtenus auparavant. Il s’agit de 203 M€ et de 52 M$ programmés déjà dans le Budget de 2021.
Côté ressources étrangères, le Ministère des Finances réussissait à mobiliser 50 M$. De même qu’à signer un plan de financement d’acquisitions au profit des entreprises publiques de 1 500 M$ sur la période 2021-2023.
Le plus dur reste à venir pour les finances publiques
C’est donc une grande dynamique qui est en train de s’installer au niveau des finances publiques. Mais qui reste moins accentuée que ce qui s’est passé sur la même période en 2020. Et ce, lorsque le Trésor levait 749,200 MTND sous forme de BTCT; sans compter l’échange de 327,660 MTND. La tension sur la trésorerie est moins forte grâce au financement direct obtenu auprès de la BCT. Une approche qui n’a pas plu au FMI.
Mais la route est encore longue pour collecter ce que prévoit le Budget de 2021. A savoir: 7 364 MTND de ressources internes et 11 948 MTND externes. La rubrique la plus importante des finances publiques sera la mobilisation de l’équivalent de 3 000 M$ sur les marchés internationaux. Une mission qui semble quasiment impossible dans le contexte actuel.
Et ce n’est pas l’incapacité de trouver un tel montant qui inquiète. Mais le taux que nous allons devoir accepter et, derrière, le prix politique à payer. D’ailleurs, tous les intervenants de la sphère financière ne cachent pas leur stress. Et ce, quant à la mise à jour proche de la notation souveraine par Moody’s et Fitch Ratings. Deux agences qui nous ont déjà attribué des perspectives négatives. Et tout semble prêt pour une dégradation.
Marchés demandeurs
Si nous étions dans une meilleure posture, nous pourrions profiter de la fenêtre de tir actuelle qui s’offre sur le marché de dette, très demandeur des émissions émergentes. En effet, deux semaines auparavant, l’Egypte levait 3 750 M$ sous forme d’eurobonds libellés en dollar. L’emprunt se structure en trois tranches: 750 M$ sur cinq ans (3,875%); 1 500 M$ sur sept ans (5,875%); et 1 500 M$ sur dix ans (7,50%). L’opération a été souscrite quatre fois, montrant l’engouement envers ce pays.
Mais ce ne sont pas seulement les Pharaons qui ont osé sortir sur les marchés. La Côte d’Ivoire a mobilisé 850 M€ à 4,3% seulement pour une maturité de dix ans. La demande sur le papier était de 2 900 M€. Pourtant, les Eléphants n’ont pas caché que cette sortie est totalement orientée vers le financement du budget. Au mois de novembre 2020, ils ont effectué une sortie technique de 1 000 M€ pour racheter une échéance d’eurobonds, de sorte à rallonger la maturité d’un prêt.
Le dénominateur commun entre ces deux pays est leur capacité à afficher un taux de croissance positif en 2020, en dépit de la crise sanitaire.
Triste tableau
C’est précisément ce qui manque à la Tunisie aujourd’hui. Quelle story raconter au marché? Actuellement, rien. Nous ne sommes pas en train de mener des réformes budgétaires ou économiques. Le Gouvernement, l’ARP et la Présidence de la République se livrent à une guerre ouverte à cause de quelques ministres soupçonnés de corruption. Nous avons réalisé la pire année depuis l’indépendance. Et le Ministère des Finances est resté à la merci de la BCT, afin de clôturer sa fin d’année. Nous n’avons pas de gros projets et nous sommes incapables de produire des phosphates et du pétrole pour encaisser un peu de devises. La seule chance réelle est cette garantie américaine qui nous permettrait de décrocher une dette à un taux acceptable.
Cette année encore, nous ne risquons pas le défaut de paiement. Mais si la classe politique ne se réveille pas, le pays perdra prochainement le contrôle. Il n’y a pas plus facile que la descente aux enfers.