Encore une fois, le député d’Ennahdha, Samir Dilou, se démarque des consignes de son propre parti appelant ses partisans à une « Grande Marche ». Et il s’en explique.
Samir Dilou est sans aucun doute l’une des voix de la raison au sein du parti islamiste d’Ennahdha. Encore une fois, le député, ancien ministre et l’un des dirigeants les plus en vue du groupe frondeur des 100 a su raison garder. Et ce, quand les autres s’emballent, en appelant à descendre dans la rue dans une démonstration donquichottesque de force.
Dilou: « Non, je ne participerai pas à la marche »
Ainsi, le député Ennahdha, a eu l’audace et surtout le bon sens de se démarquer de son propre camps. Critiquant sans détours l’appel à manifester le 27 février, lancé et soutenu par le vieux cheikh de Montplaisir « pour protéger la démocratie ». Ah bon?
« Je suis contre la descente dans la rue, quel que soit le parti qui l’organise, nonobstant les motifs et les enjeux. A fortiori, en temps de crise, on doit s’asseoir à la table des négociations et éviter d’aller aux extrêmes en envahissant la rue ». Ainsi déclarait Samir Dilou, hier mardi, sur les ondes de Diwan FM. En assurant qu’il ne participera pas à la marche prévue samedi à l’avenue emblématique Habib Bourguiba.
De la nécessité de « canaliser les émotions »
Même si l’appel à manifester émanait de la base? L’enfant terrible d’Ennahdha est catégorique: « Dans les circonstances actuelles, le fait de descendre dans la rue ne fera qu’envenimer la situation et raviver les tensions. Cette approche n’est pas la solution, même s’il s’agit d’une demande des bases qui passe par l’émotion. Or, il est du devoir de la direction de canaliser cet état d’âme. »
Et d’arguer avec clairvoyance: « Les partis qui organisent des manifestations en cette période délicate cherchent plutôt à prouver leurs poids politiques. Mais c’est inutile: le seul critère qui peut définir le poids de chaque parti est le résultat des élections. »
« A quoi sert de montrer qu’on est les plus forts? Se référer au peuple se fait via les urnes et non en mobilisant la rue », concluait-il.
Ironie de l’histoire, la position de Dilou est partagée par la coalition Al-Karama, le parti satellitaire d’Ennahdha.
L’étrange position d’Al-Karama
En effet, le parti du sulfureux Saifeddine Makhlouf- qui soupçonne Ennahdha d’avoir appelé « secrètement à cette manifestation uniquement pour des fins purement partisanes »- vient d’annoncer ne pas être concerné par la manifestation en soutien au gouvernement Mechichi.
« Cet appel à la manifestation populaire n’a pas pour objectif de résoudre la crise. Mais il vise à améliorer les conditions de négociation du parti Ennahdha ». C’est ce qui ressort d’un communiqué émanant d’Al Karama.
S’agit-il d’une saute d’humeur passagère ou d’une entame de rébellion contre le « grand parti frère », dans le cadre de rapport de force au sein de la ceinture parlementaire censée soutenir Hichem Mechichi?
Pour rappel, via un communiqué publié dimanche 21 février 2021, le cheik de Montplaisir a appelé les jeunes du mouvement et ses partisans à participer à la « Marche nationale » prévue le 27 février. Et ce, afin de « protéger la constitution et de la démocratie du pays et accélérer le développement et les réformes sociales ».
Excès de zèle
Et pour mobiliser sa base, le parti islamiste n’a pas lésiné sur les moyens en louant des bus, des louages et autres moyens de transport pour ramener ses sympathisants vers le centre-ville.
A titre d’exemple, le zélé SG de la section d’Ennahdha à Gabès a adressé une étrange correspondance au PDG de la SNCFT. Et ce, afin de réserver un voyage spécial en partance de Gabès, le jour même de la « Marche nationale ».
C’est étrange et déconcertant. Les organisateurs de la manifestation ignorent-ils qu’il n’est pas dans les usages de « louer » un train appartenant au service public? Ou se croient-ils au dessus de la loi? Et qu’en est-il surtout de l’interdiction de se déplacer entre les régions imposée par les autorités pour contenir la pandémie?
Heureusement, et c’est tout à son honneur, la compagnie des chemins de fer a dédaigneusement rejeté cette impertinente requête.
Enfin, tout semble indiquer que cette manifestation voulue par Montplaisir est un signal de démonstration de force adressé à Carthage. Mais surtout, une réaction à une récente manifestation de masse. Suivez mon regard.