Dans un entretien accordé à L’Économiste Maghrébin n°814, l’ancien chef du Gouvernement (février 2015- août 2016) Habib Essid dresse également un diagnostic un tant soit peu sévère de la situation de notre pays. Extraits…
L’interview a été réalisée à son domicile, le mardi 23 février. Si Habib Essid, était comme à son habitude, disponible, affable, spontané, rayonnant de santé et de vivacité d’esprit. Il prenait à cœur la situation par trop difficile du pays et en souffrait dans son for intérieur. Il m’avait informé de son passage à France 24, où il fut pris en direct d’un fort malaise qui lui a quasiment fait perdre connaissance. Il a été transféré de toute urgence à l’hôpital militaire. A l’heure où nous publions sur site cette interview, son état de santé n’inspire plus de crainte. Tous nos vœux de prompt rétablissement.
Vous avez été chef de Gouvernement de février 2015 à août 2016. Votre départ, dans les conditions que l’on connait, est-il en rapport avec votre bilan ? Sinon, quelles sont les principales raisons de ce départ ?
Je ne pense que mon départ de La Kasbah ait un rapport avec mon bilan. Je pense que l’équipe que j’avais conduite et moi-même, n’avions pas eu un bilan aussi catastrophique qu’il a été présenté par quelques-uns. Surtout quand on pense aux déclarations faites à l’époque par Feu Béji Caïd Essebsi.
J’estime que l’ancien président de la République s’était trouvé dans une situation telle, qu’il lui fallait, selon lui, changer de chef de Gouvernement.
J’estime aussi que cela a été le résultat de pressions qu’il a eu à subir de la part de son cabinet ou de sa famille. Ou des deux à la fois. En fait, les circonstances ont motivé ce départ. Comme vous le savez, je n’ai jamais voulu être chef de Gouvernement. On est venu me le demander. Et j’ai accepté par souci de faire sortir la Tunisie de la crise où elle était.
Quels sont, cela dit, les enseignements que vous tirez aujourd’hui d’une cohabitation dont les contours sont mal définis ?
Je veux tout d’abord dire que j’étais en bons termes avec Si Béji Caïd Essebsi jusqu’au dernier moment. Sincèrement, mon objectif n’était pas d’aller jusqu’à la fin du mandat du président de la République, mais j’ambitionnais d’aider à la réussite des premières élections municipales démocratiques du pays.
Je pensais pouvoir partir à mi-mandat présidentiel, car il fallait, je crois, une autre dynamique. Je n’avais pas d’ambition politique, mais j’avais, par contre, des objectifs que je voulais atteindre. Les choses se sont toutefois déroulées autrement. Il y a eu un complot de « Palais ».
Que vous inspire aujourd’hui la situation dans le pays ?
La situation est bien difficile. Délicate en tout cas. Et ce n’est pas de la seule responsabilité des chefs de Gouvernement, actuel et précédents. Beaucoup plus difficile en tout cas que celle que j’ai héritée de Mehdi Jomaa, auquel j’ai succédé, et qui avait fait d’énormes efforts pour remettre le pays sur la bonne voie. La situation est difficile à tous les plans et la pandémie n’a fait que la compliquer davantage.
Propos recueillis par Hédi Mechri et Mohamed Gontara