Le projet de loi sur la déchéance de nationalité présenté par le ministre algérien de la Justice soulève un tollé en Algérie et surtout dans les rangs de la diaspora. De crainte que cette initiative « ne serve de prétexte pour museler la liberté d’expression et frapper les harakistes », argue l’opposition.
Etait-il opportun de soulever cette affaire sensible et épineuse alors que l’Algérie se prépare à un remaniement ministériel, à la dissolution du Parlement et aux élections législatives anticipées ?
Certainement pas, rétorquent plusieurs observateurs de la scène politique algérienne. D’autant plus que la diaspora, principalement installée en France où elle compte environ six millions, se sent particulièrement visée par un nouveau projet de loi annoncé par le gouvernement. Lequel vise les responsables « d’actes contre l’intérêt de l’État ».
Chefs d’inculpation très graves
En effet, dans ce projet de loi, il est question de « déchéance de la nationalité algérienne acquise ou d’origine qui sera applicable à tout Algérien qui commet, en dehors du territoire national, des actes portant volontairement de graves préjudices aux intérêts de l’État ou qui portent atteinte à l’unité nationale ».
A savoir que cette mesure s’applique également à « celui qui active ou adhère à une organisation terroriste ainsi que celui qui la finance ou qui en fait l’apologie » et à tout Algérien « qui collabore avec un État ennemi ». Selon le texte présenté le 3 mars en cours par le ministre algérien de la Justice, Belkacem zeghmati.
« Même les harkis n’ont pas été déchus de leurs nationalités »
Bien qu’il faille un très long parcours pour que cette initiative très controversée n’aboutisse, le tollé était général notamment dans les rangs des Algériens à l’étranger qui se sentent sous l’épée de Damoclès des abus d’une loi, laquelle une fois votée, peut déchoir un citoyen algérien de sa nationalité. Infamie suprême.
« Un Algérien authentique préférera être exécuté en raison des crimes qu’il a commis. Mais il refusera qu’il soit déchu de la nationalité pour laquelle ses pères et grands-mères se sont sacrifiés », assure un avocat et militant des droits de l’Homme. Arguant que « même les harkis n’ont pas été déchus de leur nationalité d’origine; alors, là, le reste des Algériens… »
« La nationalité est innée, définitive, irrévocable »
« La nationalité algérienne d’origine n’appartient à aucun pouvoir législatif ou exécutif. Elle est innée, naturelle, définitive, irrévocable, intangible, inaliénable et ne peut faire l’objet d’aucune déchéance », s’est écrié le Dr Yacine Terkmane, président du Conseil régional de l’ordre des médecins de Blida.
« L’Avant-projet de loi introduit, en outre, une discrimination entre les Algériens. Dorénavant, il y aurait ceux qui commettent des actes répréhensibles à l’intérieur du territoire national et d’autres qui les commettent en dehors », précisait-il.
Pour sa part, le quotidien arabophone El Watan rappelle que cette procédure avait déjà été réclamée en 2016 par un député. Mais Premier ministre de l’époque, Abdelmalek Sellal, s’était montré intraitable: « personne ne peut être déchu de sa nationalité d’origine. De plus, la loi algérienne est en phase avec le droit international, qui consacre la nationalité comme un des droits de l’homme ».
Soupçons
En vérité, c’est le chef d’inculpation « atteinte à l’unité nationale » qui fait polémique. Car, « il a servi de prétexte juridique pour l’emprisonnement de centaines de de Hirakistes », selon la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme.
En effet, ce même chef d’inculpation est perçu par une partie de l’opinion publique comme une lourde menace sur la liberté d’expression; ainsi qu’une manœuvre politique pour faire peur à la diaspora. Dans le dessein de voire arrêter la mobilisation des Algériens à l’étranger.