A l’heure où plus de la moitié des Tunisiens rechignent à se faire vacciner, l’arrivée du très controversé vaccin britannique AstraZeneca, suspendu par 16 pays européens, ne fait que renforcer les arguments des plus récalcitrants de nos compatriotes.
Pas de doute possible. Nos autorités sanitaires ont mal géré le dossier de la vaccination de la population. Ainsi, faute d’anticipation, nous avons pris un retard scandaleux. Alors que nos voisins algériens et marocains vaccinaient leurs citoyens à tour de bras depuis des mois. Par conséquent, il est légitime de penser qu’avec le recul, nos responsables auraient au moins pu profiter à bon escient de l’expérience des autres nations. Hélas, nous manquons d’audace et surtout de perspicacité. Et la polémique autour du vaccin AstraZeneca en est encore la preuve.
Drôle d’annonce
Sinon comment expliquer, qu’alors que plus de la moitié de nos citoyens affiche son hostilité à toute vaccination contre la Covid-19, que notre ministre de la Santé, Faouzi Mahdi, annonce avec fracas l’arrivée imminente d’environ 136 000 doses du très controversé vaccin britannique AstraZeneca. Lequel soulève une vague de doute et d’appréhension dans le monde?
Et ce, dans le cadre des achats financés par l’initiative COVAX de l’Organisation mondiale de la santé. Une aumône déguisée. De plus, le ministre assure, que le processus de vaccination « sera sûr et ne présentera aucun effet secondaire sur la santé des citoyens ». Il s’exprimait lors d’une conférence de presse hier mardi.
Une conviction douteuse donc partagée par le chef du comité de pilotage de la campagne nationale de vaccination anti Covid 19, Hachemi Louzir. En effet, celui-ci avance que « plus de 70 millions de personnes ont reçu ce vaccin, à travers le monde. Et elles n’ont eu aucun effet secondaire à l’exception de quelques cas ».
D’ailleurs, nos responsables s’appuient sur les affirmations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) concernant la sécurité du vaccin AstraZeneca. Alors même que plusieurs rapports font état de certains effets dangereux détectés chez certaines personnes vaccinées.
Les déboires d’un vaccin
Effectivement, c’est le 08 mars dernier qu’apparaissait en Autriche le premier cas suspect. Ainsi, les autorités sanitaires décidèrent de suspendre un lot du vaccin britannique. Et ce, suite à la mort d’une infirmière de 49 ans. Cette dernière décédait à cause d’une mauvaise coagulation sanguine, dans les heures suivant sa vaccination.
En moins d’une semaine, cédant à la pression de leur opinion publique, 16 pays européens suspendaient également l’administration du vaccin AstraZeneca, par « mesure de précaution ». Un coup mortel pour le fabriquant du vaccin britannique.
Psychose
Et c’est sans aucun doute le prestigieux Institut Paul-Ehrlich, qui conseille le gouvernement fédéral allemand, qui porta le coup de grâce au sérum britannique. En expliquant que « depuis le 11 mars 2021, d’autres cas ont été signalés en Allemagne. Lors de l’analyse des nouvelles données, les experts de l’institut constatent désormais une augmentation notable d’une forme particulière de thrombose veineuse cérébrale très rare. En relation avec un manque de plaquettes sanguines et des saignements peu de temps après des vaccinations avec le vaccin Covid-19 AstraZeneca ».
A savoir que la psychose était telle, que sans attendre la réunion de l’Agence européenne des médicaments (AEM) prévue le 16 mars, sur le sujet, les Allemands ont immédiatement décidé de suspendre cette vaccination. Suivis par 15 pays européens.
Défiance
Pour revenir à la Tunisie, il convient de rappeler que dans l’ensemble, nos concitoyens sont réticents vis-à-vis des vaccins contre la Covid-19; par crainte des effets secondaires du virus. En l’absence criarde d’informations sur les composantes des vaccins ou par l’espoir d’une immunité collective de facto?
Toujours est-il que très peu de blouses blanches se sont déplacées pour se faire vacciner. Et qu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, moins de 500 000 personnes se sont inscrites dans l’application evax.tn. Laquelle permet de s’inscrire à distance dans le cadre de la campagne de vaccination anti-Covid.
D’ailleurs, selon une récente enquête de l’institut d’études Emrhod Consulting, seulement 41% des Tunisiens se disent prêts à se faire vacciner contre le coronavirus. Toutefois, ce taux augmente chez les médecins pour atteindre 65%. Alors que 46% des personnes sondées sont contre la vaccination.
Au final, avec l’annonce de l’arrivée du très controversé vaccin britannique, peu de citoyens auront la témérité de servir de cobaye. Et c’est tout à fait compréhensible.