La brève visite que le président de la République a effectuée, hier mercredi à Tripoli, est en vérité une première prise de contact avec les nouveaux dirigeants libyens. Le programme généreux que les deux parties ont concocté serait réalisable si la volonté politique était de mise.
Accueil particulièrement chaleureux, activation des accords conclus entre la Tunisie et la Libye, renforcement des relations bilatérales dans divers domaines de la santé, de l’économie et de l’éducation, ouverture de la circulation des personnes et des marchandises entre les deux pays à travers tous les points de passage frontaliers, simplification des mouvements financiers entre les deux banques centrales; enfin la relance des mécanismes d’activation de l’Union maghrébine. Le bilan de la visite du président Kaïs Saïed, hier mercredi 17 mars 2021 à Tripoli, est grosso modo positif. Du moins au niveau des intentions.
Sachant qu’il s’agit de la première visite officielle depuis 2012 d’un président tunisien. Lequel, il faut bien le signaler, est le premier président étranger à visiter le pays, après l’installation de la nouvelle autorité libyenne à Tripoli. D’où l’importance de ce premier contact avec les nouveaux hommes forts de notre voisin du Sud.
Pour rappel, Kaïs Saïed a choisi de ne se faire accompagner que par le ministre des Affaires étrangères, sa directrice de cabinet et quelques conseillers. A noter à ce propos que Nadia Akacha n’est pas censée accompagner le président lors de ses déplacements. Puisqu’elle détient in facto les clés du palais de Carthage en l’absence du maître des lieux.
Court-circuit ?
Mais là où le bât blesse, c’est que les querelles intestines entre les deux présidents de l’Exécutif se sont invitées avec force dans cette visite « historique », retransmise en direct par la télévision libyenne.
Car, au moment où le président de la République était en train de tisser des liens avec les nouvelles autorités libyennes, le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, organisait à son tour les rencontres de Beit El Hikma. En présence notamment du SG de l’UGTT et du patron de l’UTICA, tout un symbole. Une nouvelle formule de conciliation économique visant à rompre avec la diabolisation des hommes d’affaires dans des procès interminables.
Faudra-t-il considérer cette initiative comme un coup fourré destiné à court-circuiter l’initiative de la centrale syndicale? Ou à provoquer l’ancien professeur en droit constitutionnel. Lequel ne porte pas la chose économique dans son ADN et se méfie naïvement des hommes d’affaires, « tous des pourris » à ses yeux?
Prémices d’un dégel?
Reste une question de taille: en dépit du conflit larvé entre Carthage et la Kasbah sur fond du feuilleton interminable du remaniement ministériel, les deux présidences sont-elles capables de travailler la main dans la main? Et ce, pour saisir l’opportunité de l’énorme bouffée d’oxygène que représente le marché libyen pour l’économie tunisienne?
C’est possible, si on se réfère au langage des signes. Car la présidence de la République a publié, mercredi soir, une photo montrant Kaïs Saïed, tout sourire, parlant avec Hichem Mechichi venu l’accueillir à son retour de Tripoli.
Une manière de briser la glace en s’excusant de la photo diffusée dans la matinée de son départ en Libye où il semblait ignorer totalement son chef du gouvernement venu le saluer comme le stipule le protocole?