Dans un article intitulé « Tunisie, le cartel des banques », Benoît Delmas, le correspondant de l’hebdomadaire « Le Point » à Tunis, pointe du doigt ce qu’il qualifie de la collusion entre le pouvoir politique et les grandes familles qui contrôlent l’activité économique en Tunisie. Et il cite le système bancaire pour exemple. Comme si le phénomène était propre à la Tunisie, alors qu’il puise ses ressorts dans les origines du capitalisme.
« La Tunisie est une économie fermée aux mains d’une vingtaine de familles. L’économie de rente s’appuie sur de multiples lois, décrets qui institutionnalisent la culture du monopole ». C’est ce que révèle Benoit Delmas, correspondant de l’hebdomadaire parisien « Le Point » »; Et ce, dans un article orienté sur l’activité économique intitulé: « Tunisie, le cartel des banques ».
Capitalisme à la Tunisienne
Ainsi, le journaliste français qui laisse croire qu’il est un fin connaisseur des arcanes de ce qui se trame dans notre pays, décortique à sa manière « le capitalisme à la Tunisienne ». Et prend pour exemple le système bancaire, lequel se distingue par le nombre élevé des banques. « Ce qui n’est pas synonyme d’efficacité et de concurrence », constate-t-il. Qui croire, celui qui déplore le monopole ou celui qui incrimine la concurrence?
« La Tunisie se distingue par son patrimoine historique (Carthage, Dogga) et par son patrimoine bancaire.
Vingt-trois banques pour un pays de 11 millions d’habitants. Vingt-trois établissements financiers où l’État est très présent et l’actionnariat ventilé entre quelques familles clés ». L’auteur passe sous silence le fait que les banques en question sont cotées en bourse.
A titre d’exemple, explique l’auteur de l’article, « Amen Bank est détenu par la famille Ben Yedder à hauteur de 61%, Horchani Finances, 5,46%. Si 39% du capital de la BIAT est aux mains du groupe Mabrouk, les Horchani à nouveau sont présents pour près de 7%, contre 12% de la BH Bank. Ce groupe est présent au capital de cinq établissements.
Si l’État tunisien demeure l’actionnaire principal d’une partie de la smala bancaire (71% de la STB, 58% du capital de la BH), ces banques si familiales, dit-il sans vergogne et sans justification aucune, se prêtent entre familles, quand l’État prête aux structures publiques qui n’est pas le secteur le plus innovant ». Il ne peut pas faire mieux ni plus dans la désinformation.
Interférence
Toujours selon la même source, « la vingtaine de familles qui détient le pays », pas autant il est vrai que les 200 familles françaises qui en leur temps ont fait la France. Elles « refusent toutes réformes, ne veulent ni transparence, ni concurrence ». Mot d’ordre: « Le modèle ne doit pas changer ». Dire que les banques ont été les principaux vecteurs d’innovation de l’économie tunisienne.
Par ailleurs, Benoit Delmas brosse un tableau glaçant de la situation actuelle de l’activité économique tunisienne. « Le PIB réel s’est contracté de 8,2% en 2020, le ralentissement économique le plus prononcé depuis l’indépendance en 1956; la masse salariale de la fonction publique atteint 17,6% du PIB, un des taux les plus élevés au monde. Avec la pandémie, le chômage augmente (17,4%), le déficit budgétaire atteint 11,5% du PIB, la masse salariale s’accroît à la suite des embauches supplémentaires constatées dans la fonction publique. Quasiment 20% du budget de l’État se financent par l’emprunt », a-t-il constaté. Avant de rappeler que Moody’s vient d’abaisser la note souveraine de la Tunisie à B3, assortie de perspective négative.
Economie de rente?
Il est à noter que cet article, qui se veut bien argumenté, fait écho à une brillante conférence donnée en janvier 2019 sur « L’économie de rente en Tunisie : comment en sortir? » par le jeune économiste et polytechnicien tunisien, Anis Marrakchi.
En effet, le conférencier faisait observer qu’en Tunisie, « quelques familles détiennent des participations croisées dans les principales banques et n’ont donc aucun intérêt à exacerber la concurrence. Elles détiennent également la plupart des grandes entreprises du pays, financées bien sûr en priorité par l’argent public ».
Le hic, déplorait-il « c’est que l’État doit s’endetter auprès des banques pour combler son déficit budgétaire ». Mais alors pourquoi posséder des banques si c’est pour financer l’activité de leurs principaux actionnaires par l’argent public? Décidemment les idées arrêtées au relent idéologique évident ont la vie dure.
Au fait qui finance qui? Les choses sont-elles si différentes en Tunisie qu’elles l’ont été depuis la nuit des temps dans les démocraties occidentales: berceau du capitalisme mondial?