Qu’il s’agisse de la présidente du PDL, Abir Moussi, ou de tout autre dirigeant; et aussi excessifs et clivants qu’on pense que peuvent être leurs faits et gestes, le boycott est-il toujours la bonne voie à adopter?
C’est peut-être la question qui fâche: est-ce logique de boycotter Abir Moussi? Et ce n’est pas la défendre ou encore se placer de son côté que de la poser! Il va sans dire, dans ce cadre, que la présidente du Parti Destourien Libre (PDL) peut gaffer. Mais n’y a-t-il pas d’autres moyens pour qu’elle s’arrête de nuire à ceux auxquels elle s’est opposée que le boycott?
En effet, les journalistes peuvent la critiquer, la condamner. Comme ils peuvent lui intenter des procès. Mais faut-il aller jusqu’à taire ses faits et gestes? Et ne plus lui consacrer la moindre ligne d’un journal ou minute d’une émission. Même lorsqu’elle tient, comme ce fut le cas le 20 mars 2020, un grand meeting dans la deuxième ville du pays?
Des règles de fonctionnement
Le débat peut être soulevé. Les avis peuvent donc aller dans un sens comme dans un autre. Mais faut-il pour cela ignorer le fonctionnement de la presse qu’elle soit écrite, digitale ou encore audiovisuelle?
Evidemment, on peut toujours ne pas solliciter des interviews de la présidente du PDL. Ne pas lui demander une réaction sur tel fait ou tel événement ou propos. Ou encore l’inviter sur un plateau et lui dire ce qu’on estime être ses quatre vérités. Rien de plus normal. Un organe de presse a toujours une ligne éditoriale qui constitue pour ainsi dire son ADN.
Cependant, Abir Moussi n’est-elle pas un acteur de la scène politique tunisienne? Ainsi, à ce titre, ne pas couvrir ses faits et gestes, ne permet pas aussi bien au journaliste qu’au consommateur de l’information de saisir le sens d’une actualité. Laquelle n’est pas le fait de quelques acteurs et non pas, pour ainsi dire, d’autres.
En boycottant Abir Moussi, le journaliste ne se prive-t-il pas d’une source d’information?
Que faire, en cas de boycott, si Abir Moussi n’est pas celle qui fait ou dit quelque chose? Mais celle que des faits et paroles diffusés par un média visent, et qui lui sont imputés ou reprochés? Si elle est critiquée par exemple, ou encore accusée? Ne doit-on pas lui accorder, dans ce cas d’espèce, un droit de réponse garanti du reste par la loi et les us et coutumes médiatiques?
Alors, il est à se demander, dans le même ordre d’idées, si en refusant de parler de tel ou tel protagoniste, le journaliste ne se prive pas d’une source d’information capable de mieux mettre en perspective l’actualité dont il a la charge.
Les dirigeants politiques –qu’il s’agisse d’Abir Moussi ou de tout autre responsable- doivent néanmoins savoir qu’ils doivent toujours pacifier leurs relations avec la presse. Car, c’est des bonnes relations, pour ainsi dire, entre les politiques et les médias qu’une saine pratique démocratique peut s’installer et perdurer.
Un dernier mot: il faudra prendre gare à ce qu’un boycott ne permette pas à la presse de garder ses distances par rapport à toutes les sensibilités politiques.