Combat contre la polygamie et le patriarcat, lutte contre l’inégalité des droits de succession entre hommes et femmes en islam; ainsi que contre le port du voile islamique. Et surtout farouche opposante de l’obscurantisme religieux; Nawal el Saadawi était de tous les combats. Derrière sa frêle silhouette, sa crinière blanche et son doux sourire, se cachait un tempérament d’acier. Car elle était une femme de cœur et de conviction.
Auteure d’une cinquantaine d’ouvrages traduits dans une trentaine de langues, la grande Dame s’est éteinte. En effet, Nawal el Saadawi nous quittait, hier dimanche 21 mars 2021, à l’âge de 89 ans, des suites d’une longue maladie.
Croisade contre les tabous
Mais ce sont, notamment, ses deux livres cultes, « Au début, il y avait la femme » et « La femme et le sexe » qui attirèrent sur elle les foudres de l’institution théologique Al-Azhar. Laquelle portait plainte contre elle pour atteinte à l’islam.
Figure emblématique et icône de l’émancipation de la femme en Egypte et dans le monde arabo-musulman, elle était très controversée dans son pays. Mais mondialement connue pour avoir secoué le cocotier des tabous du sexe, du conservatisme et de l’Islam rétrograde représenté par Al-Azhar. Son franc-parler et ses positions audacieuses dans une Egypte très conservatrice faisait d’elle l’ennemie jurée des « barbus » de tout bord.
L’ennemie des « barbus »
D’ailleurs, elle fut accusée par les islamistes radicaux d’atteinte à l’Islam et même d’apostasie. Arme suprême des islamistes ayant servi à faire taire les voix libres en Egypte; à l’instar de Faradj Foudha et de Nasr Hamed Abou Zayed.
A noter que ce dernier, grand penseur et adepte d’un islam des Lumières, avait vu son mariage annulé pour apostasie, dans un procès fondé sur la hisba. Après la décision de la Cour égyptienne, et sous la menace de mort de groupes fondamentalistes, il s’exila aux Pays-Bas, où il enseigna à l’université de Leyde jusqu’à son décès.
De son côté, dans les années 1990, son nom apparut sur une liste de personnalités à abattre, dressée par des milieux extrémistes islamistes. Elle s’installe alors aux Etats-Unis de 1993 à 1996, où elle enseigna à l’université de Dukes, en Caroline du Nord.
De retour en Egypte en 2005, elle se lança dans une campagne présidentielle. Avant d’abandonner la course, assurant que les forces de sécurité l’empêchaient de conduire ses meetings électoraux.
Pour rappel, Nawal el Saadawi s’est longtemps battue contre les Frères musulmans et était soutenu le président Abdelfattah Sissi. Lequel avait destitué en 2013 l’ex-président islamiste Mohamed Morsi. Elle avait qualifié la courte mandature d’un an de Morsi d’ « annus horribilis ».
Une perte inestimable
Avec le décès de Mme el Saadawi, le monde arabe perd une fervente défenseuse des droits de l’Homme en général; et des droits des femmes en particulier.
Sa mort coïncide à un jour près avec le 65ème anniversaire de l’Indépendance de la Tunisie. Une journée morne où les drapeaux ne flottaient même pas sur l’Avenue emblématique Habib Bourguiba. Et où le président de la République n’a pas daigné prononcer un discours à l’occasion de cette fête nationale.
Tout un symbole.