Le 65ème anniversaire de l’Indépendance fut marqué par un désintérêt coupable et incompréhensible de la part de nos dirigeants au sommet de l’Etat. Le président de la République brillait par son absence, le chef du gouvernement faisait le pèlerinage au mausolée de Bourguiba comme seule et unique festivité. Alors que le président de l’ARP se contentait d’un squelettique communiqué. Triste et désolant.
Imprévisible? Disons que notre Président ne finira jamais de nous intriguer, ni de nous narguer. Sinon comment expliquer la bizarrerie du calendrier présidentiel ces derniers jours? Jugez-en par vous-même.
A n’y rien comprendre
Vendredi 19 mars, Kaïs Saied se rendait à la prison de Mornaguia pour rencontrer plusieurs détenus. Et notamment ceux qui ont été arrêtés lors des émeutes ayant eu lieu en janvier dernier.
Puis, samedi 20 mars, le jour de la commémoration du 65ème anniversaire de l’Indépendance, il était aux abonnés absents. Pas de discours à cette occasion. Pas de communiqué de la part de la présidence de la République. Et pas de festivités. Un silence lourd et pesant. Dormez braves gens, circulez y’a rien à voir!
Ensuite, lundi 22 mars, il assistait au lancement du satellite tunisien « Challenge One », à partir de la salle centrale d’opérations du groupe Telnet. Pour rappel, le décollage du vaisseau spatial russe Soyouz, programmé initialement pour samedi 20 mars 2021, avait été reporté; et ce, en raison des conditions climatiques défavorables.
« L’indépendance n’est pas un simple document », dixit le Président de la République
Saluant cette remarquable prouesse technologique, le président de la République soulignait à juste titre que « la Tunisie ne manque de rien; sauf d’une volonté nationale ferme et d’objectifs nationaux inébranlables ».
Se rappelant au détour de son discours que la Tunisie fêtait, il y a deux jours, le 65ème anniversaire de son indépendance, il prononça une énigmatique phrase. « Il serait utile de rappeler en cette journée historique que cette conquête de l’espace avait été précédée d’une invasion de terres et d’une indépendance ». Soulignant à l’occasion que « l’indépendance entre dans le cadre de la coopération et n’est pas un simple document ou une cérémonie à organiser ». Avant de conclure: « La vraie indépendance consiste à être souverain sur la terre et à traiter avec autrui sur le même piédestal du respect et de l’égalité ».
Enfin, voulant répondre aux vives critiques en raison de son silence radio lors de la fête de l’Indépendance, le Président finissait par affirmer du bout de lèvres que « nous sommes fiers de notre indépendance, de notre passé, de nos parents et grands parents et nous sommes aussi fiers de vous les jeunes. Nous sommes fiers de la Tunisie qui bâtira le futur sur terre et dans l’espace ».
Concernant la conquête de l’espace, on n’en est pas encore là M. le Président, revenez sur terre!
Pourtant, la fête de l’Indépendance de la Tunisie est le joyau de la couronne des fêtes nationales. Depuis 1956, l’Etat commémore cette date historique sans interruption et en grandes pompes. A l’exception de l’année dernière; où la cérémonie officielle fut annulée, en raison de la situation sanitaire et l’annonce d’un confinement général.
Une journée grise et morne
Mais comment décrire ce samedi 20 mars 2021? Une journée plutôt grise et morne. Aucun signe de célébration de cette fête. Même pas de drapeaux qui flottent à l’avenue emblématique Habib Bourguiba. Rien. Comme si c’était une journée ordinaire et chômée où il fait bon de faire la grasse matinée.
D’ailleurs, pour la première fois dans l’histoire contemporaine du pays, le locataire du palais de Carthage n’a pas daigné prononcer un discours à l’occasion de cette fête nationale. Il n’a pas également jugé utile de rejoindre le Chef du gouvernement Hichem Mechichi venu se recueillir au Mausolée de Bourguiba à Monastir.
C’est à s’interroger avec consternation et amertume: le Président reconnait-il l’indépendance de la Tunisie? Sinon pourquoi avoir complètement ignoré de commémorer notre fête nationale, une première dans l’histoire de la Tunisie indépendante?
La question semble saugrenue. Sauf qu’interrogé par France 24 sur le passé colonial, lors de sa visite en France en juin 2020, il affirma que « la Tunisie était sous le régime du protectorat. Ce n’est pas le système de colonisation directe comme c’était le cas en Algérie ». Une nuance lourde de sens.