Le président de la République annonce être prêt à superviser le Dialogue national, tout en le conditionnant à une large participation des jeunes. Et ce, lors de l’audience qu’il accordait mercredi à l’ancien ministre des Finances, Nizar Yaïche. Une manière de noyer le poisson en renvoyant l’initiative de l’UGTT aux calendes grecques?
Le président de la République, Kaïs Saïed, semble prendre un malin plaisir à se mettre tout le monde à dos. La preuve? Mercredi 24 mars en cours, il recevait au palais de Carthage l’ancien ministre des Finances, Nizar Yaïche. Un brillant centralien qui, malheureusement, n’avait pas pu donner toute sa mesure. N’ayant occupé ce poste clé que pendant une courte période, six mois et six jours, sous le règne d’Elyes Fakhfakh. Et revoilà qu’on parle de dialogue national.
Diagnostic et solutions
M. Yaïche a profité de cette audience pour coacher le Président sur la situation économique, les finances publiques et le budget. Ainsi que les menaces qui pèsent sur la sécurité nationale.
De même, il présentait à son interlocuteur des propositions concrètes et une vision pour l’avenir, à court et à long terme. Au total ce sont pas moins de 500 mesures articulées autour de 25 axes. Ces derniers se centrent sur l’économie, le social, la justice et les services publics. Et ce, afin de sortir le pays de la crise actuelle.
Nizar Yaïche, l’oiseau rare?
Alors, quoi de plus normal que le Président se penche enfin sur la chose économique? En consultant une compétence nationale indiscutable, à l’instar de l’ancien ministre des Finances. Rien d’anormal donc. Sauf que le chef de l’Etat aurait été bien inspiré d’inviter également Ali Kooli, l’actuel ministre de Économie et des Finances à assister à cette réunion. Car, depuis le départ de Nizar Yaïche en septembre 2020, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts.
A moins que le Président ne joue la carte de l’ex-ministre de l’Economie pour l’après Mechichi. Comme le murmurent certains observateurs de la scène politique.
Toujours est-il que le président de la République, après moult tergiversations, annonçait qu’il était prêt à superviser un dialogue national. Le communiqué paru dans la soirée du mercredi précisait: « Avec une large participation des jeunes, à travers les moyens de communication modernes. L’objectif est de formuler des propositions et des demandes, au niveau local. Lesquelles seront revues, ensuite, par des spécialistes dans tous les domaines aux niveaux régional et national; pour aboutir à des solutions ».
Ainsi, « il s’agit d’élaborer in fine un plan économique et social émanant du peuple lui-même ». C’est ce que conclut le communiqué de la présidence de la République.
Du plat réchauffé: un dialogue interminable
Rien de nouveau sous le soleil. Du plat réchauffé. Car, l’initiative de la centrale syndicale pour une éventuelle sortie de crise est vidée in facto de son essence. Et on la remplace perfidement par un vague référendum. Il pourra prendre des années et auquel participeront les jeunes au niveau local puis régional. Bref, un projet qui ressemble étrangement aux comités populaires de Kaddafi avec un toilettage moderne: « al chaab yourid ».
Décidemment Kaïs Saïed est à côté de la plaque. Et l’UGTT ne manquait pas d’exprimer son mécontentement; et même de montrer les crocs.
« La Centrale syndicale n’était pas au courant du dialogue national avec les jeunes; tel qu’annoncé par le président de la République, Kaïs Saïed, hier. L’attitude de ce dernier « n’est pas normale ». Et elle ne respecte pas la souveraineté de l’Etat et l’institution de la présidence de la République. Ce n’est pas beau ce qu’a fait le président de la République. Après une longue période d’hibernation, nous avons été surpris, hier, d’apprendre qu’un nouveau dialogue, qui s’apparente à un référendum en ligne avec les jeunes, serait mis en place ». Ainsi ironisait, hier jeudi, le porte-parole de l’UGTT Sami Tahri. Il s’exprimait sur les ondes ondes de Mosaïque FM.
Un couac de plus avec la centrale syndicale. Puisqu’elle avait proposé en novembre 2020 au président de la République une initiative de dialogue politico-socio-économique unanimement saluée.
Pendant de longs mois, cette initiative a croupi dans les tiroirs du palais de Carthage. Avant d’être exhibée lors de la rencontre avec M. Yaïche. Et sans en souffler mot à Noureddine Tabboubi, l’auteur de cette initiative.
Une maladresse de trop et un ennemi de plus.