Les résultats d’une étude quantitative (1000 ménages) réalisée par l’INLUCC et la GIZ sur la perception de la corruption en Tunisie ont été dévoilés mercredi.
Selon cette étude, la corruption a beaucoup augmenté depuis la révolution. 87,2% des Tunisiens pensent que la corruption a augmenté. Et ce, contre uniquement 3,1% qui pensent qu’elle a diminué. Toutefois, seuls 27,5% des Tunisiens dénonceraient la corruption (30,9% en 2019). Ce faible taux est principalement dû à la peur des conséquences, la faible confiance dans le système et au désarroi des Tunisiens qui pensent que la corruption est devenue banale (et même parfois nécessaire).
Le point positif est que, même si la corruption est perçue comme en augmentation depuis quelques années, son image reste tout à fait négative (un mal nécessaire). La corruption est perçue comme une atteinte à la morale, un fléau qui ronge l’administration, une infraction, une mentalité, un système, une habitude, un échange de service, une nécessité et un commerce fructueux, mais ce n’est pas passager.
Il est donc important de véhiculer cette image négative dans les futures campagnes de communication/sensibilisation des instances en charge de la lutte contre la corruption. Et ce, avec comme axes: la moralité, l’aspect infraction, la dangerosité par rapport aux conséquences économiques et sociales.
28,5% des Tunisiens ont connu une situation de corruption
Les Tunisiens sont, en théorie, contre la corruption. Seuls 11,1% des Tunisiens sont favorables pour donner un cadeau en nature ou rendre un service pour régler une affaire quelconque (contre 15,7% en 2019).
Selon les résultats de la même étude, ce taux est plus élevé pour les hommes, les jeunes et les personnes aisés (généralement plus en contact avec l’administration tunisienne et/ou avec plus de moyens), qui devraient être les cibles prioritaires des futures campagnes d’information/sensibilisation. Mais cette corruption reste souvent nécessaire.
28,5% des Tunisiens ont connu une situation de corruption en 2020. Ainsi, 15,8% des Tunisiens ont vécu personnellement une situation de corruption en 2020 (contre 17% en 2019). Et ce, pour soudoyer la Police et/ou payer pour avoir des prestations dans les administrations.
Les domaines les plus exposés
En effet, les domaines les plus exposés à la corruption en spontané sont: le secteur de la sécurité (69%); la douane (53,2%); les administrations publiques (40,2%); et le secteur de la santé (39,8%).
Les domaines les plus exposés à la corruption en assisté sont: les administrations publiques (89,3%); le secteur de la santé (88,6%); les partis politiques (87,8%); le secteur de la sécurité (87,4%); la douane (87,3%); ainsi que tous les autres secteurs (plus que 70%).
En effet, ce sont ces secteurs (principalement publics) qui doivent être considérés en priorité dans les programmes de lutte anti-corruption. Avec des actions/réformes adaptées à chaque secteur et à ses spécificités. Et dans la mise en place d’actions terrain (formation, sensibilisation, gouvernance, contrôle et répression).
Pour la majorité des Tunisiens, la corruption n’est globalement pas acceptable. Entre 70 et 80% des Tunisiens sont contre et/ou refusent de payer pour que certains services leur soient rendus; sauf quand le citoyen y est obligé.
Entre 10% et 30% approuvent et/ou le feraient s’ils y étaient obligés. Ces taux « d’acceptabilité » de la corruption sont plus élevés, encore une fois pour les hommes, les jeunes et les personnes aisés. Ils sont déjà identifiés comme cibles prioritaires des futures campagnes d’information/sensibilisation.
La corruption n’est également pas acceptable. Car elle n’a que des effets négatifs sur l’économie, la société et le pays (pour près de 80% à 90% des Tunisiens) notamment sur la valeur du travail et/ou du mérite, sur les valeurs des diplômes, sur la cohésion sociale, sur l’image et la crédibilité de l‘administration, sur les finances de l’Etat, sur la propagation des crimes et du terrorisme ainsi que sur le pouvoir d’achat du citoyen.
Principales motivations
Notons que les principales causes qui poussent à la corruption en Tunisie sont liées aux procédures administratives souvent compliquées et peu transparentes. Mais aussi à la situation matérielle assez précaire des fonctionnaires. Ainsi qu’à l’absence de l’application des lois, les faibles contrôles et la quasi-impunité des personnes ayant commis des infractions.
Ce qui pousse réellement les personnes au sein de l’administration tunisienne à accepter la corruption c’est principalement: le non-respect de la loi (56,8%); le manque de transparence (35,1%); et le manque de contrôle (27%); ainsi que le manque d’organisation dans l’administration (22,4%).
Ce qui pousse un agent administratif à accepter un pot de vin c’est principalement l’âpreté matérielle, l’absence de morale, le sentiment d’injustice sociale, l’absence d’éthique professionnelle et la situation matérielle défavorable.
Enfin, ce qui pousse le citoyen à accepter la corruption c’est principalement pour accélérer les procédures, pour échapper aux sanctions et pour bénéficier d’un avantage dont il n’a pas droit.
M.T