Trente ans après l’infâme attentat de Bab Souika où l’un des gardiens de la cellule destourienne fut aspergé d’essence et brûlé vif, les langues de délient. Ainsi, pour l’ex-dirigeant nahdaoui, Abdelhamid Jelassi, c’était « un acte isolé ». Mais selon un repenti, Karim Abdessalam, la direction du parti islamique de l’époque était au courant. Qui croire?
Il faut reconnaître deux vertus cardinales aux adeptes d’Ennahdha: la solidarité et la discipline. Ainsi, face à l’adversité, ils se serrent les rangs, quitte à régler plus tard leurs différents; mais en interne. Entre « Jreba safi ». Un exemple frappant: le leader historique du parti islamiste, Abdelhamid Jelassi. En effet, il demandait en 2015 à être relevé de ses fonctions au bureau exécutif. Avant de démissionner définitivement, en mars 2020, du mouvement; en mettant ainsi un point final à un parcours de 40 ans. Il revient aujourd’hui sur les douloureux évènements de Bab Souika en 1991.
« Un incident isolé » dixit Jelassi
Ainsi, Jelassi affirmait la main sur le cœur, lors de son passage hier dimanche 4 avril 2021 sur les ondes de Mosaïque FM, que les membres du bureau exécutif de son parti et du conseil de la Choura n’étaient pas au courant de ces événements. « Aucun de ceux qui gouvernent le pays actuellement ne s’est sali les mains par le sang. D’ailleurs, Ali Laârayedh, ex-chef du gouvernement était en prison pendant ces événements; alors que plusieurs autres dirigeants étaient en exil ».
A noter à cet égard que l’ancien dirigeant démissionnaire du Mouvement d’Ennahdha évoquait trois jours plus tôt l’attentat de 1991 mettant en cause trois individus affiliés au parti islamiste, à Bab Souika. Mais cette fois ci, lors de son passage sur Shems FM. Et ce, pour affirmer qu’il s’agissait d’un « incident isolé ». « Les trois accusés dans cette affaire n’avaient reçu aucun ordre du parti et agissaient seuls », selon ses dires.
Mea-culpa
Mais qu’en est-il de son mea-culpa présenté au peuple tunisien? Jelassi rétorqua qu’il motivait ses excuses « par le fait qu’il se sentait politiquement et moralement responsable de ces meurtres ».
Pour rappel, un des gardiens avait été aspergé d’essence et brûlé vif. Un crime odieux qui révulsa les Tunisiens. Et ce, lors de l’attentat orchestré par la cellule destourienne de Bab Souika, le 17 février 1991; à savoir, des individus affiliés au mouvement islamiste.
La version d’un repenti
Mais voilà qu’un « repenti », ancien membre d’Ennahdha et l’un des instigateurs des attentats de Bab Souika, aujourd’hui expert en justice transitionnelle, donne trente ans plus tard sa version des faits.
En effet, invité le 14 mars 2021 sur Shems Fm, Karim Abdessalem puisque c’est de lui qu’il s’agit, reconnait avoir été « un criminel, un monstre qu’ils ont élevé ». En référence au parti islamiste qui a transformé la « feuille blanche » qu’il était, en lui inculquant « leur expérience et leur culture ».
De même, il explique sa réhabilitation par son désir de « se faire pardonner auprès de la société tunisienne ».
« Je me suis rendu compte que c’était un crime odieux qui a causé la mort et qui a fait basculer le pays dans la répression ».
Et de poursuivre: « Si j’ai purgé ma peine d’un point de vue judiciaire, 13 ans en prison, je présente mes excuses aujourd’hui aux familles et proches des victimes, mais aussi à tous les Tunisiens. Car cet attentat a marqué un tournant dans l’histoire du pays et créé des années de répression ayant conduit à la révolution ». Ainsi avouait Karim Abdessalem.
L’ombre de l’aile sécuritaire
Celui qui se dit victime d’un lavage de cerveau par le parti islamiste, explique que l’attentat de Bab Souika, tout comme les attaques au vitriol à l’époque, « visaient le régime de manière symbolique. Afin que l’aile sécuritaire armée puisse, par la suite, « en récolter les fruits ». Selon ses dires, l’aile sécuritaire était dirigée par des leaders connus d’Ennahdha, parmi lesquels Sadok Chourou.
Toujours selon la même source, après l’attentat de Bab Souika s’en est suivi un plan plus dangereux.
« Ce plan consistait à collecter des armes et à entraîner des groupuscules. Afin de cibler des établissements, notamment gouvernementaux et éducatifs ».
Et de conclure: « Si on ignore qui au juste dirige cette aile sécuritaire; il faut savoir que le Mouvement se compose de structures dites ordinaires. Mais aussi d’autres structures spéciales, qui opéraient seules. Et qui étaient sous les ordres principalement du sommet de la hiérarchie ».
« Une deuxième famille »
Enfin, voulant justifier les raisons l’ayant poussé à se jeter dans les bras d’Ennahdha, il explique naïvement. « Alors que, dans notre maison, nous étions habitués aux soirées alcoolisées et au folklore musical tunisien (mezoued NDLR), je me suis retrouvé dans une autre dimension en me réfugiant dans la mosquée. Et c’est là que j’ai découvert ma deuxième famille ».
Entre les deux versions, l’Histoire tranchera.