Lors du discours que Kaïs Saïed a prononcé à l’occasion de la commémoration du 21ème anniversaire du décès du Combattant suprême, l’on a eu droit à la même rengaine. A savoir: une attaque en règle du président de la République contre ses adversaires politiques. Pourtant, ni le lieu, ni l’occasion ne prêtaient à l’invective présidentielle.
Que faut-il retenir du discours que le président de la République a prononcé hier mardi 6 avril 2021 à Monastir?
D’abord l’hommage vibrant qu’il a rendu au Grand homme, artisan de l’indépendance de la Tunisie et bâtisseur de l’Etat moderne. Et ce, à l’occasion de la commémoration du 21ème anniversaire du décès du Zaïm, Habib Bourguiba.
Voulait-il se rattraper après avoir été sévèrement critiqué pour avoir « zappé » le 20 mars dernier la célébration de la Fête de l’Indépendance? Prêtant ainsi le flanc à ses détracteurs qui le soupçonnent de présumer que la Tunisie était plutôt sous protectorat français. Et que par conséquent, il ne convient pas de parler d’indépendance.
Mais, si c’était le cas, pourquoi se recueillir sur la tombe de l’homme qui sacrifia sa vie pour arracher notre pays des griffes de la France coloniale? A noter la curieuse phrase prononcée par le Président à ce propos: « L’indépendance n’est pas acquise à travers la signature des protocoles ou des accords. La Tunisie n’a été indépendante qu’après la libération des cerveaux ». La signature du protocole de l’Indépendance était-elle une pacotille à ses yeux?
Ni le moment, ni le lieu
Ensuite, le chef de l’Etat revenait sur la polémique autour de la Cour constitutionnelle. Et ce, pour nous donner, encore et encore, un cours magistral. Même si le lieu du discours était plus au recueillement et à la mémoire.
Mais il profitait surtout de l’occasion pour tirer à boulets rouges sur ses adversaires politiques. Et fustiger ceux qu’il traitait de voleurs, de corrompus et de suceurs du sang du peuple. Sans omettre d’évoquer les complots ourdis dans les « chambres noires »; promettant de dévoiler l’identité de ces Brutus de l’ombre « le moment voulu ».
Pourtant, ni le lieu, ni l’occasion ne se prêtaient au lavage du linge sale entre Carthage et le palais de Bardo. Et ce, lors d’une cérémonie officielle censée réunir les Tunisiens sur des valeurs communes de la République.
Une Cour constitutionnelle taillée sur mesure fustige le Président
Car obsédé par la théorie du complot et étant convaincu que la mise en place de la Cour constitutionnelle sera une arme entre les mains de ses ennemis pour le destituer sur la base de l’article 88 de la Constitution, le Président a indiqué que les amendements de la loi du 3 décembre 2015 sur la Cour constitutionnelle proposés par le Parlement ont été élaborés « sur mesure ». N’ayant pour objectif que des« règlements de comptes ».
Ainsi, « ils se sont réveillés après cinq ans de sommeil profond, d’hypocrisie pour régler des comptes et parce qu’ils se sont sentis menacés. Mais ils ne m’entraineront pas avec eux pour violer la Constitution ». C’est ce que faisait observer Kaïs Saïed, rappelant que les délais constitutionnels n’ont pas été respectés.
Et d’ajouter: « Ils veulent bloquer les rouages de l’Etat, mais ils assumeront leurs responsabilités. Ils veulent s’en prendre à l’Etat en visant les services publics, l’enseignement, la santé, et les transports. Ils n’y parviendront pas bien que le complot soit bien réel. Nous allons y faire face et permettre une vie décente aux citoyens tunisiens. »
Le Dialogue national renvoyé aux calendes grecques?
D’autre part, le président de la République est revenu sur le Dialogue national qu’il a fini par accepter de parrainer, du bout des lèvres. En s’interrogeant sur l’utilité d’un forum réunissant certaines « parties » qui n’ont « aucune allégeance à la Patrie ». Ainsi que des personnes « recherchées par la justice ».
« Est-ce que ce dialogue peut être qualifié de patriotique si certaines parties sont dépourvues de tout patriotisme? Certains d’entre eux sont poursuivis en justice. Le dialogue devrait trouver de vraies solutions pour que les citoyens puissent avoir accès à un logement et aux services de santé et des transports », concluait Kaïs Saïed.
Alors, retour au point de départ. Le Dialogue national avec la cinquième colonne et les « personnes recherchées par la justice » ne verra pas le jour de sitôt.