Kerim Bouzouita, anthropologue nous livre son analyse sur les audios fuités qui ne cessent d’alimenter la toile. Rappelons que le tout dernier audio identifie la voix de la chroniqueuse Maya Ksouri au cours duquel elle aurait suggéré de remplacer Elyes Fakhfakh par Hichem Mechichi. Et une fois de plus, c’est Rached Khiari ex-député de la Coalition Al Karama qui le publie. Que peut-on en déduire?
Kerim Bouzouita revient sur les fuites qui selon lui, sont une arme à double tranchant. Il précise dans une déclaration à leconomistemaghrebin.com: « Les fuites sont en même temps un outil formidable à toute vie démocratique et une arme politique dangereuse qui peut faire tomber des gouvernements et changer le destin d’un pays. On va voir quand est-ce que cette épée est aux services des peuples et quand est-ce qu’elle joue contre eux. De quoi parlons-nous exactement, quand il s’agit de fuite? »
Et de poursuivre: « Les fuites concernent habituellement des documents confidentiels révélés à des personnes qui ne sont pas supposées les connaître. Par exemple les slam dunk, stratégie Bush dans la guerre d’Irak, les MacronLeaks, ou en Tunisie, la fuite d’un document expliquant la stratégie de la présidence de la République dans le mandat précédant pour faire passer la loi d’aministie connue sous la loi de la réconciliation. Et des enregistrements de politiciens et hommes de médias qui conspirent contre des associations. »
Ces fuites sont-elles au service de la démocratie?
Avant d’ajouter: « Quand est-ce que nous pouvons considérer que ces fuites sont au service de la démocratie, donc de la souveraineté du peuple? C’est quand elles permettent l’exercice de la surveillance populaire sur les décideurs. Par exemple, quand les fuites wikileaks qui ont prouvé que le gouvernement américain avait mis en place la surveillance PRISM pour espionner les citoyens américains et les gouvernements et citoyens de pays étrangers. Cette fuite est dans l’intérêt du public. Mais quelques fois, les fuites sont le fruit d’une guerre d’intérêts. Par exemple, les fuites concernant les emails d’Hilary Clinton par une intervention de pirates étrangers ont travaillé aux intérêts de Donald Trump et des pays qui voulaient de lui à la tête des USA ».
« Influencer les décisions politiques pour des intérêts spécifiques »
Alors, qu’en est-il pour le cas tunisien, dont certains évoquent les chambres noires? A cette interrogation, Kerim Bouzouita répond: « Maintenant, concernant les fameuses chambres noires, deux choses sont à séparer. A savoir les réseaux d’influence et les groupes d’influence. Quand je vais parler d’élite, je n’entends pas les élites invisibles: érudits, intellectuels, penseurs et créateurs, politiciens visibles, journalistes, Instagrammeurs et YouTubeurs. Ces individus vont naturellement selon les lois de la sociologie former des réseaux d’influence. Mais, ici, il faut être prudent, il ne faut pas les confondre avec les groupes d’influence, organisation dont le but est d’influencer les décisions politiques pour des intérêts spécifiques. »
Il poursuit: « Et là est la question que nous devons nous poser. Est-ce que ces groupes travaillent dans l’intérêt du public (influence des décisions pour le bien-être de la communauté nationale) ou bien pour des intérêts privés? »
Citant ainsi des groupes qui œuvrent contre l’intérêt public même au niveau international: Groupe Bilderberg (1954), trilatérale formée par le milliardaire David Rockefeller, les conseillers politiques Henry Kissinger et Zbigniew Brzezinski en 1973 qui ont des rôles importants dans des coups d’Etat comme au Chili.
Et de conclure: « Et il est arrivé en Tunisie qu’un média très dangereux a été manipulé par des groupes d’influence à travers des fuites. Une bataille entre deux groupes d’influence affectant la scène politique, et donc nos vies. »