Les rapports entre la Tunisie et l’Egypte prendraient-ils un tour nouveau? Depuis la visite du Chef de l’Etat Kaïs Saïed en Egypte, une nouvelle ère de reconnaissance et de respect mutuels entre les deux pays semble apparaitre. Ainsi, que peut-on déduire de cette visite? Les analystes de la vie politique livrent chacun leur lecture, pour leconomistemaghrebin.com.
Bassel Torjeman, analyste politique revient sur sa visite considérée comme positive. Il précise dans ce contexte: « Il y a ce qu’on appelle une satisfaction populaire des deux peuples tunisien et égyptien. En tenant compte des relations historiques. A l’exception de certains à l’instar de Moncef Marzouki, Ennahdha et la coalition El Karama qui étaient sceptiques ». Et ce depuis l’éviction de Morsi pour avoir soutenu la confrérie de l’Egypte et boycotté Sissi.
Il ajoute: « A mon sens, cette visite a pour objectif de renforcer les liens entre les deux pays, en abordant certains dossiers comme la stabilité de la Libye. Sans oublier la position de la Tunisie qui a soutenu la position de l’Egypte sur le barrage éthiopien sur le Nil. Ce qui va permettre à la Tunisie, en tant que membre non permanent de l’ONU, de soutenir l’Egypte dans les conseils internationaux. »
De son côté, Youssef Cherif, analyste politique, chercheur en relations internationales, expert auprès de Carnegie, part lui aussi du constat qu’il s’agit d’une visite plus symbolique qu’autre chose. Il souligne ainsi: « Il n’y a pas de relations directes ou d’intérêts directs. Car c’est l’Egypte qui a besoin de la Tunisie plus que la Tunisie a besoin de l’Egypte. Notamment sur des questions essentielles par rapport au barrage éthiopien sur le Nil. D’ailleurs, l’Egypte a besoin de soutiens internationaux que la Tunisie pourrait lui offrir grâce à son siège en tant que membre non permanent aux Nations unies ».
Par ailleurs, Youssef Cherif n’exclut pas que la visite en question serait liée à une politique interne tunisienne. Il précise dans ce cas de figure: « C’est possible car cela s’inscrit dans le jeu de pouvoir en Tunisie d’une part entre le président de la République et le président du Parlement et son parti Ennahdha et leurs alliés d’autre part ».
Avant d’ajouter: « Ainsi la visite de président Kaïs Saïed en Egypte rappelle un peu la visite menée par Béji Caïd Essebsi, il y a quelques années, lorsqu’il était en conflit avec Rached Ghannouchi à cette époque. Ce qui a soulevé des critiques similaires s’expliquant par la crainte au sein d’Ennahdha d’un scénario égyptien en Tunisie ».
En outre, concernant le volet de la politique étrangère, la grande question est de savoir comment œuvrer à une stabilité en Libye?
A cette interrogation, Youssef Cherif a répondu: « Ils n’ont pas vraiment discuté ce qu’ils vont faire en Libye. Aujourd’hui, la Tunisie a besoin de financement, l’Egypte n’en a pas. La Tunisie a besoin de vaccin, là non plus l’Egypte n’a rien à donner. Cela dit, je reste persuadé que la visite s’inscrit plus dans la politique interne et dans la balance des pouvoirs des différentes forces politiques où Kaïs Saïed rappelle à Rached Ghannouchi que la politique étrangère le concerne de près et de loin et non pas de la laisser entre les mains d’Ennahdha ».
De son côté, Riadh Sidaoui, le directeur du Centre arabe de recherche et d’analyse politique et sociale (Caraps) de Genève, met l’accent sur l’importance de la position de la Tunisie qui soutient La position de l’Egypte à soutenir le barrage éthiopien sur le Nil. Il conclut: « La position de Kaïs Saïed était prévisible. Ainsi, il a remis la diplomatie tunisienne dans l’équilibre géopolitique. Tout en espérant qu’il effectue une visite en Syrie. »