Selon plusieurs analystes politiques, la visite officielle que le président de la République a rendue du 9 au 11 avril au pays du Nil, relève surtout de la politique interne. Il s’agit notamment de « neutraliser » Ennahdha; en nouant un solide front anti-islamiste avec Le Caire.
Une image vaut mille discours. Tous les téléspectateurs ont certainement remarqué le regard noir que le président de l’ARP, Rached Ghannouchi, a jeté au président de la République, Kaïs Saïed. Et ce, au moment de le saluer à l’aéroport, comme l’exige le protocole, avant son départ en direction du Caire. En réponse à une invitation officielle du président égyptien Abdelfattah Sissi.
Ennahdha et le scénario égyptien
En effet, il est de notoriété publique que le parti islamiste d’Ennahdha déteste le régime égyptien. Lequel est incarné par le président Abdelfattah Al Sissi. Coupable à ses dires d’avoir fomenté un coup d’Etat contre l’ancien président « légitime », Mohamed Morsi. Et aussi de mener par la suite une guerre implacable et sans merci contre la confrérie des Frères musulmans.
A savoir que sous le règne de l’ancien président Moncef Marzouki, les rapports entre Tunis et le Caire se sont refroidis. Avec l’éviction de Mohamed Morsi et des Frères musulmans du pouvoir en 2013. Car, craignant un scénario à l’égyptienne, le Mouvement d’Ennahda avait ouvertement apporté son soutien à la confrérie des Frères musulmans.
De là à soupçonner Kaïs Saïed de chercher le soutien du président égyptien; et ce, afin de contrer l’Islam politique en Tunisie. Il n’y a qu’un pas que le leader historique d’Ennahdha a allègrement franchi. Et c’est prévisible tellement les relations entre les deux hommes sont devenues exécrables.
Le Président ne manque pas d’humour
En témoigne la pittoresque scène où, lors de la célébration de la Fête des martyrs, à quelques heures de son départ vers Egypte, le Président prenait visiblement un malin plaisir à présenter la Une d’un journal satirique tunisien datant du début du XXe siècle. Laquelle montrait une Tunisie alitée et un médecin lui prescrivant l’ordonnance, à savoir « un Parlement nationaliste respecté et un gouvernement responsable ». Le message est limpide. Notre Président ne manque pas d’humour.
Calculs politiques
Toutefois, et nonobstant le rapport de force qui oppose les deux présidences à l’échelle locale, tout porte à croire que le but réel de la visite du chef de l’Etat au pays des Pharaons réside dans la recherche d’établissement de liens solides avec les sphères hostiles aux Frères musulmans, en opposition frontale avec l’axe qatari-turc.
En effet, le courant semble bien passer entre Sissi et Saïed. Pour preuve, l’accueil exceptionnel que l’homme fort d’Egypte a réservé à son hôte tunisien.
D’autre part, notre Président avait réussi la prouesse de tisser des relations personnelles avec l’émir du Qatar, cheikh Tamim Ben Hamad, grand chantre avec le Turc Erdogan de l’Islam politique. Du coup, son obligé Rached Ghannouchi est passé en deuxième plan. En attendant d’être éliminé?
D’autant plus que depuis le récent rapprochement entre Doha et Ryadh, cheikh Tamim cherche à prendre ses distances avec les Frères musulmans à travers le monde. Et ainsi à se reprocher en revanche de l’axe saoudo-émirati-égyptien.
Nouvelle donne géostratégique
Selon les observateurs internationaux, l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche, et surtout le départ du sulfureux Donald Trump, est pour quelque chose dans la nouvelle stratégie géopolitique américaine au Proche–Orient.