Quelques jours avant la publication de la croissance du premier trimestre 2021, la Banque centrale de Tunisie a publié sa note périodique sur la situation économique et monétaire. Des chiffres qui vont certainement nous aider à décortiquer les performances tant attendues du 15 avril prochain.
Pour la BCT, la croissance était déjà fragile dès 2019. Hors Agriculture et Pêche, elle s’est établie à -9,9% fin 2020. Dans la note, nous avons constaté quelques légères mises à jour de l’évolution de la valeur ajoutée de certains secteurs sur l’année précédente. Avec -12,7% pour les services marchands (-13,3% selon les chiffres de l’INS); ainsi que -8,1% pour les industries manufacturières (-9,3% selon l’INS).
Pas encore sortis de l’auberge
La BCT a expliqué en détail la tendance négative de l’économie par des facteurs dont la majorité est, malheureusement, toujours d’actualité. A savoir: les mesures de confinement; la fermeture des frontières, des hôtels, des cafés et des restaurants; la mauvaise performance du secteur du BTP; et les difficultés d’extraction de pétrole et du gaz.
Autrement dit, si la situation sanitaire s’aggrave et que les autorités se voient obligées de durcir les mesures prises, nous nous retrouverons dans la même situation de 2020. Cependant, avec des conséquences sociales beaucoup plus dangereuses.
Le volet social passe également par l’inflation. Et en dépit d’une relative stabilité, l’inflation sous-jacente (aussi bien hors produits alimentaires et énergie et hors produits alimentaires frais et produits à prix administrés) persiste toujours à plus de 5%. Ce qui implique des tensions inflationnistes. Et effectivement, au mois de mars, les prix à la consommation ont augmenté de 0,7%, confirmant les inquiétudes de la BCT.
Une amélioration en trompe l’œil de la balance commerciale
Au niveau des échanges commerciaux, l’amélioration du déficit ne cache pas les problèmes structurels de la balance. Les exportations des Industries Mécaniques et Electriques (IME) ont régressé, durant les deux premiers mois 2021, de -4,2%; contre une hausse de 0,6% un an auparavant. De même, celles du Textile, Habillement et Cuir (THC) se sont repliées de -8% contre -4,1% fin février 2020.
La tendance a été confirmée par les chiffres du premier trimestre publiés par l’INS. Le déficit de la balance commerciale a été réduit de 436 MTND. Les exportations ont enregistré une hausse de 6,2% (-11,2% durant le premier trimestre 2020). Pour les IME, c’est une hausse de 12,1% sur le trimestre à 5 204 MTND. Idem pour le Textile et Habillement (+9,1% à 1 910 MTND).
Une certaine reprise commence donc à s’installer, mais elle reste fragile. L’analyse des importations complètent le tableau: un recul de 12% sur les deux premiers mois de 2021; avec une baisse quasi généralisée à tous les secteurs à l’exception de l’alimentation. La BCT a insisté sur la diminution des importations des matières premières et demi-produits qui, si elle venait à se confirmer pour toute l’année, pourrait éventuellement compromettre les chances d’une reprise économique rapide. Les importations des produits énergétiques ont baissé (1,1 milliard de dinars contre 1,6 milliard en 2020). De même, celles des biens d’équipement se sont établies à 1,6 milliard de dinars après 1,9 milliard fin février 2020.
Les chiffres du premier trimestre ne permettent pas d’avoir une idée précise sur l’évolution des importations des produits destinés à l’industrie. Il y a toujours une baisse importante au niveau de l’énergie (-35% à 1 521 MTND). Mais il y a aussi une hausse au niveau des IME (+11,7%) et du THC (+4,5% à 1 354 MTND), témoignant d’une légère reprise.
Pour le moment, cette réduction du déficit commercial et la physionomie des échanges a permis une bonne tenue de la balance courante dont le déficit a été ramené à -0,7% du PIB fin février 2021. Hors énergie, le solde est même équilibré.
La sphère monétaire est sous contrôle
Dans cet environnement, les entreprises ont réduit leur recours aux crédits. Pour les prêts à court terme au profit des entreprises, c’est une baisse de 3,2% au cours du mois de janvier 2021. Toutes maturités confondues, c’est plutôt une hausse de 5,7% en rythme annuel.
En revanche, le rythme de progression des crédits aux particuliers s’est renforcé, avec une évolution de 6,7% au mois de janvier. Il y a une forte demande sur les crédits à la consommation (+8,9% en rythme annuel) et des crédits de logement (+4,2%).
Globalement, le besoin des banques en termes de refinancement a baissé, surtout que les dépôts à vue des banques ont augmenté de 5,2% fin janvier 2021.
L’ensemble des données présentées par la BCT, conjugués avec le reste des indicateurs économiques conduisent à une seule conclusion: tous les ingrédients pour une année encore plus difficile que la précédente sont là. Pour le moment, le pays résiste, mais il ne faut pas oublier que les pressions de remboursement de la dette externe n’ont pas encore commencé.