Profitant de la commémoration du 18 avril et d’une nouvelle apparition, le président de la République a-t-il tenu à souligner l’étendue de la fonction présidentielle ? Un épisode de plus dans le conflit qui oppose les tenants du pouvoir dans le pays.
Touche après touche, le président Kaïs Saïed ne cesse de réaffirmer la place occupée par la fonction présidentielle dans l’exercice du pouvoir dans notre pays. Ainsi, a-t-il précisé, le 18 avril 2021, et à l’occasion de la commémoration du 65ème anniversaire des forces de sécurité intérieure, qu’il est le commandant suprême de toutes les forces armées et non seulement des forces militaires.
Un message, on peut le deviner, qui s’adresse à tous ceux qui avaient sans doute, selon lui, une lecture limitative des prérogatives du chef de l’Etat. S’appuyant sur une lecture comparative entre les constitutions de 1959 et de 2014. Cette dernière ne comporte aucune limitation en la matière. Et avançant sur la même voie, il a rappelé également que le chef de l’Etat « nomme et révoque dans les hautes fonctions militaires, diplomatiques et de la sécurité nationale » (Article 78).
« Des procès duraient des années »
Des rappels pour signifier qu’il avait la haute main sur sans doute un pan entier du ministère de l’Intérieur, dirigé par l’actuel chef du gouvernement, dont la fonction essentielle consiste à assurer la sécurité dans le pays. Mais aussi sur sans doute celui des finances qui assure la tutelle administrative de la Douane.
Ceux qui ont écouté le discours de Kaïs Saïed ne peuvent ne pas avoir retenu le message adressé à toutes les forces armées : faire respecter la loi. Et ce quelles que soient la circonstance et surtout la qualité du citoyen qui ne peut se prévaloir de l’appartenance à « un parti » ou à une « relation familiale » pour échapper à la justice. On sait que beaucoup y trouveront, à ce niveau, matière à interprétation.
Intervenant sur ce point, il a expliqué que « des procès duraient des années ». Il a souligné que « les dossiers étaient vidés afin que les accusés puissent échapper aux sanctions tandis qu’un citoyen lambda pouvait se retrouver en prison en l’espace de quelques heures ».
« Inutiles et hors contexte »
Des messages qui ressembleraient bien à l’évocation d’un certain vécu contre lequel le chef de l’Etat voudrait prendre la Nation à témoin. En tout cas, croit-il nécessaire de faire des précisions et de jouer son rôle en tant que défenseur des intérêts de tous les citoyens. Notamment ceux qui souffrent du malaise que nous vivons et dont il rend responsable les politiques. Il l’a du reste précisé en évoquant une « pandémie politique » (sic).
Les propos présidentiels sont-ils, comme l’a clairement indiqué le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, au micro de notre confrère Radio Mosaïque, quelques minutes après avoir écouté le discours présidentiel, « inutiles et hors contexte »? Précisant que « les circonstances ne s’apprêtent pas aux lectures individualistes »?
Deux choses, en tout cas, pourraient être dites à ce sujet. La première est que le discours de Kaïs Saïed, prononcé à l’occasion de la commémoration du 65ème anniversaire des forces de sécurité intérieures, pourrait constituer un épisode supplémentaire dans le conflit entre les principaux tenants du pouvoir dans le pays.
La seconde est que ce conflit est, semble-t-il, fait pour durer. A moins que les protagonistes se mettent autour d’une table pour le dépasser. Soulageant les souffrances d’une population inquiète pour son avenir.