Pour la deuxième année consécutive, plus de cent pays célèbrent la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur. Et ce, dans une conjoncture sanitaire délicate. Faut-il encore rappeler que la Covid-19 a impacté tous les secteurs ?
L’Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) avait proclamé, en 1995, la Journée mondiale du livre et du droit d’auteur. Plus de cent pays célèbrent cette journée annuellement le 23 avril. Le secteur du livre et de l’édition en Tunisie a subi de très lourdes pertes. Et ce en raison de la pandémie. En effet, la Covid-19 a encore aggravée la situation dans un secteur initialement en crise. Au coût du papier et d’impression, s’ajoutent le manque de circuits de distribution et de promotion du livre.
Autant de facteurs risquent d’aggraver encore plus la situation. Les difficultés jettent leur poids sur les professionnels du livre en détresse. Le financement fait défaut aux professionnels pour continuer à gérer leurs institutions.
Dans une interview à la TAP, le président de l’Union des éditeurs tunisiens (UET), Mohamed Riadh Ben Abderrazak, a donné sa lecture de la situation actuelle du secteur.
Au nom des professionnels touchés par la crise, le président de l’Union lance un cri de détresse auprès des décideurs pour intervenir en urgence. Il appelle l’État à prendre des décisions qui aideraient à contenir la crise et sauver le secteur du spectre de la faillite.
La tendance est à la baisse dans le marché du livre et de l’édition
Pour lui, la Covid-19 a, largement, amplifié la crise du livre dans le pays. L’éditeur est également, plus que jamais menacé de faire faillite dans un secteur en manque de visibilité, en termes de réseaux de distribution ou de manque, patent, dans les stratégies générales pour encourager le public à la lecture.
En l’absence de statistiques officielles, les pertes des éditeurs sont difficiles à cerner. Cependant, notre interlocuteur donne certains chiffres se rapportant, notamment à la baisse des recettes qui avoisinent le tiers. Certains éditeurs ont vu leurs recettes chuter au plus bas. Ce qui les a contraints surtout à « réduire le nombre du personnel » et à trouver de nouvelles formules pour la gestion des entrepôts.
À la lumière de cette conjoncture exceptionnelle, le secteur du livre et de l’édition est frappé de plein fouet. Selon le président de l’UET, le secteur est « paralysé avec des ventes qui ne dépassent pas les 10 pc. Ce qui constitue un pourcentage bien plus bas que celui enregistré durant les années précédentes ».
Il n’est pas donc surprenant de voir « les éditeurs incapables d’honorer leurs engagements financiers, sans compter les difficultés à payer le salaire de leurs employés. Certains d’entre eux ont eu recours au gel de leurs activités pour une durée indéterminée ».
Quel apport de l’aide publique face à la crise !
En cette conjoncture délicate, aucune aide publique supplémentaire n’est attribuée aux professionnels du livre et de l’édition. Initialement, le secteur souffre d’un manque chronique. Il « touche aux circuits de distribution et de promotion du livre tunisien ».
Cependant, l’interviewé évoque un certain aspect positif de la crise sanitaire. La crise sanitaire « a eu l’avantage de pousser les professionnels du livre à adopter la vente en ligne. Mais cette expérience et ses retombées financières demeurent assez limitées ».
La première contrainte se rapporte à « la faiblesse des plateformes de promotion en ligne du livre et à la non-conformité des services financiers numériques en Tunisie avec les exigences du paiement et la distribution en ligne ». Il cite aussi les habitudes du Tunisien qui n’est pas encore accoutumé à l’achat en ligne. En général, le lecteur « préfère feuilleter le livre avant de l’acheter et par conséquent l’achat chez les libraires en direct ».
De quel financement public parle-ton
L’État demeure le premier garant pour « sortir du bout du tunnel dans l’industrie du livre et de l’édition. Surtout avec le coût assez élevé du papier ». « Le financement public n’a pas pu suivre l’évolution rapide dans le secteur de l’édition et le nombre importants des éditeurs sur la scène nationale », estime Mohamed Riadh Ben Abderrazak
Cette lacune s’est encore accentuée avec la crise actuelle si l’on compte le budget alloué à l’acquisition du livre tunisien auprès des bibliothécaires du secteur public.
« Dans les 400 bibliothèques publiques, un nombre limité de livres culturels est distribué avec 150 copies au maximum. », a-t-il précisé.
Son approche est de mettre en place une réglementation en faveur du livre. Cette règlementation doit être conforme avec les lois internationales en vigueur. Il propose de suivre l’exemple de plusieurs pays dans le financement du papier. Des solutions raisonnables sont à envisager. Surtout que les mesures prises ne peuvent répondre aux défis imposés par la crise actuelle ou palier aux lacunes mentionnées.
Mesures officielles fragiles pour le secteur de l’édition
Le président de l’UET qualifie de « fragiles les mesures officielles » qui prônent la stratégie du stop and go, entre déconfinement et reconfinement. Dans le but de mieux cerner la propagation de la Covid, le gouvernement avait commencé par un plan de confinement général pour ensuite suivre un confinement partiel sur des étapes.
Il évoque également « la panique qui gagne les divers intervenants dans le secteur du livre ». Ce dernier est initialement en quête d’un compromis qui jette les bases d’une refonte totale et un projet réformateur qui répond aux attentes de toutes les parties.
L’Union des Editeurs avait œuvré afin que le ministère des Affaires culturelles intervienne pour le sauvetage du secteur,a encore indiqué le président de l’Union. Il rappelle le faible du budget et l’endettement du ministère. Cependant, « les démarches entreprises n’ont pas abouti à remédier à la crise, malgré la disposition du ministère de tutelle à intervenir ».
La relation du Tunisien avec le livre en période de confinement
Dans plusieurs pays, la période de confinement a créé de nouvelles habitudes pour les gens cloitrés chez eux qui se sont rapprochés un peu plus du livre et de la lecture. En Tunisie le manque de statistiques fait encore défaut. De ce fait, il n’est pas évident de se prononcer à ce sujet, estime le patron des éditeurs.
Son constat concerne notamment le nombre des lecteurs. Ce chiffre est en évolution permanente durant les dernières années. Ses estimations vont vers un chiffre qui devrait logiquement demeurer stable au niveau du nombre du lectorat.
Chez les éditeurs, l’effet de la crise est allé dans le sens inverse. En la persistance du flou général dans le secteur et par crainte de subir encore plus des pertes, ils étaient « plus réticents à s’aventurer dans l’édition d’un grand nombre de copies ».
Chute notable du nombre des livres édités
Depuis le début de la crise, explique-t-il, le nombre des livres édités, tous genres confondus, est en chute notable. Mais d’une façon générale, les œuvres littéraires et notamment le livre pour enfant, sont habituellement au top du classement des livres les plus édités.
Malgré la crise, le président des éditeurs tunisiens affiche son optimisme quant à l’avenir du livre et des éditeurs. À son avis, la véritable crise est celle de manque de stratégies nationales pour appuyer la dynamique culturelle dans le pays que ce soit dans le secteur du livre ou chez le lecteur.
Il cite le nombre important des clubs de lecture et les différentes initiatives pour la promotion du livre. Des séances dédicaces sont souvent organisées dans le cadre de débats publics. Et ce, en présence d’écrivains et de personnalités littéraires imminentes, de Tunisie et d’ailleurs.
Depuis l’avènement de la révolution en 2011, le livre tunisien a réussi à conquérir le marché du livre arabe. Rappelle-t-il. Plusieurs œuvres littéraires en arabe ou en français, se sont distinguées. Certains écrivains sont lauréats de prestigieuses récompenses littéraires d’envergure nationale, régionale ou internationale.
Avec TAP