La Tunisie fait face à trois défis majeurs au moins. Ils ont trait au redressement des finances publiques, à l’amélioration sensible de la croissance potentielle et à la réduction de la pauvreté et de la précarité. Les deux premiers défis sont interdépendants. Le desserrement des contraintes qu’ils imposent prendra du temps, de trois à quatre ans. Dans tous les cas, cela requiert un apport appréciable de capitaux extérieurs qui est tributaire de la bénédiction du FMI.
Au-delà de la situation kafkaïenne du paysage politique tunisien, il reste que le gouvernement se doit de présenter un programme de redressement des finances publiques qui soit crédible, et sur la base duquel il pourra engager des négociations sérieuses avec le FMI. Celles-ci seront à ne pas douter très laborieuses, où l’Etat tunisien, qui a failli par le passé récent à la plupart de ses engagements envers le Fonds, sera en position de faiblesse.
Objectifs et contraintes durant les quatre prochaines années
Il faut préciser que, toutes choses égales par ailleurs, le redressement des finances publiques passe par la baisse du déficit budgétaire primaire (déficit budgétaire aux normes internationales diminué des intérêts de la dette publique) et l’amélioration de la croissance du PIB réel. Cette dernière condition, malgré la résilience « technique » de l’économie, ne dépasserait vraisemblablement pas les 3% en 2021.
En outre et tenant compte des conséquences de l’épidémie de la Covid-19 (progression des faillites des TPE et PME, endettement des entreprises particulièrement élevé, reprise lente notamment du tourisme, du transport aérien et des exportations de marchandises), on peut estimer que la croissance économique moyenne serait tout au plus de 3.5% sur 2022-2025.
Cet objectif, somme toute assez ambitieux au vu de l’état actuel de l’économie et de la croissance moyenne sur 2015-2019 (1.6%), dépendrait bien évidemment de la relance de l’investissement et des exportations. Sur cette base, le niveau de la richesse créée en 2019 ne serait rattrapé qu’en 2023. Le PIB réel par habitant ne retrouverait le palier de 2019 qu’en 2025.
La baisse du déficit primaire est une condition nécessaire pour réduire le taux de la dette publique par rapport au PIB. Il est utile de rappeler que ce déficit est la cible essentielle de la politique budgétaire, du fait que les intérêts de la dette représentent une contrainte liée aux politiques du passé, et que la politique budgétaire présente a peu de prise sur cette contrainte.
« On peut estimer que la croissance économique moyenne serait tout au plus de 3.5% sur 2022-2025 »
Aussi, seul le déficit primaire peut-il influencer aussi bien le déficit budgétaire que l’évolution de la dette publique. La réduction de cette dernière comporte donc pour le citoyen un effort net, sans contrepartie réelle en termes de services publics, mais un effort lié à la charge du passé. Malheureusement, le déficit primaire s’est fortement creusé en 2020 et 2021, soit respectivement 8% et 4.5% (estimé).
Il faut souligner que la diminution du déficit primaire doit être compatible avec l’objectif de réduction du taux d’endettement public, étant donnés le glissement prévu du dinar, l’évolution des taux d’intérêt apparents sur la dette intérieure et la dette extérieure, et les taux d’amortissement, également apparents, de ces dettes.
En outre, la baisse du taux d’endettement public sur 2022-2025 doit être significatif et permettre un besoin de financement extérieur de l’Etat qui soit soutenable et défendable auprès des bailleurs de fonds étrangers.
Par ailleurs, la valeur du déficit primaire détermine celle des dépenses publiques au sens strict (dépenses de fonctionnement et d’équipement), étant fixé le montant des recettes fiscales et non fiscales. Ces dernières devraient évoluer à partir de 2022 en tenant compte de la réforme fiscale qui serait inévitablement engagée en 2021.
Aussi la pression fiscale devrait-elle se situer autour de 26% en 2022 et de 27% sur 2023-2025. Cela serait possible principalement au regard de l’élargissement significatif de l’assiette fiscale (y compris les recouvrements, les redressements et la lutte contre l’évasion fiscale), et éventuellement au travers de la taxation du patrimoine et d’une tranche supplémentaire de l’impôt sur le revenu (une tranche de 40% à 45% sur les hauts revenus qui ont considérablement augmenté durant ces dernières années, rendant les inégalités de revenu insupportables).
« La pression fiscale devrait-elle se situer autour de 26% en 2022 et de 27% sur 2023-2025 »
A cet égard, la baisse du taux d’endettement de quelques 10 à 11 points sur les quatre prochaines années serait un objectif crédible, sans coût social excessif, en référence à sa valeur de 91% en 2021.
De ce point de vue, deux politiques de redressement et de relance sont proposées, en fonction des contraintes et des objectifs visés, de l’environnement international et de la coordination entre les politiques budgétaire et monétaire. Les scenarii proposés excluent la privatisation des entreprises publiques, mais peuvent inclure la cession par l’Etat de ses participations minoritaires dans les entreprises.
Cette dernière contrainte renvoie à l’accord conclu entre le gouvernement et l’UGTT. Par ailleurs, la privatisation des entreprises publiques ne constitue plus une exigence du FMI, comme ce fut le cas avec le PAS de 1986.
Cette question, délestée de sa dimension idéologique, ne se présente comme un choix pertinent que si les entreprises concernées ne sont pas bradées, ce qui suppose qu’elles soient au préalable assainies et restructurées.
En outre, plusieurs pays gardent un secteur public marchand de grande taille, pratiquement dans toutes les branches d’activité, sans qu’ils entrent dans la catégorie de pays pauvres ou socialistes, à l’image de la Malaisie dont le PIB par habitant en 2019 (en dollars constants et en PPA) est environ le double du nôtre.
Aussi, s’agit-il beaucoup plus d’une question de gouvernance (non ingérence de la tutelle dans la gestion, contractualisation des objectifs à moyen terme, choix des dirigeants sur la base de la compétence, composition du conseil d’administration par des experts indépendants, etc.) que de la nature de la propriété du capital.
Politique économique avec des contraintes assez modérées
Outre les objectifs et les contraintes sus-indiqués, on peut s’attendre durant la période 2022-2025 à une augmentation sensible du cours du pétrole (reprise assez forte dans les pays de l’OCDE et en Chine). Ce qui est susceptible d’engendrer un « cost-push » sur le prix de notre PIB.
En outre, la réforme de la politique de compensation (augmentation des prix administrés et baisse de la subvention des hydrocarbures) sera inflationniste. A cela, s’ajoute un glissement du dinar que l’on suppose assez mesuré, dont l’impact sur le panier composé de l’euro et du dollar (ces devises sont pondérées par la structure de la dette publique extérieure) serait une réévaluation de 10% sur l’ensemble de la période.
Dans ce cadre, le taux d’inflation (prix du PIB) serait en moyenne de 6%, avec une accélération durant 2022 et 2023, contre environ 5% en 2021.
Cette évolution nécessite une coordination satisfaisante entre les politiques budgétaire et monétaire. Aussi la BCT ne devrait-elle pas se retrancher derrière le confort de son mandat, pour privilégier quasi exclusivement l’objectif de lutte contre l’inflation.
Dans les circonstances actuelles, la politique monétaire devrait explicitement tenir compte du coût de l’endettement intérieur de l’Etat, de la relance de l’économie et, éventuellement, de la monétisation modérée de la dette publique. Cela est d’autant plus vrai que la lutte contre l’inflation est principalement du ressort de l’exécutif.
« Le taux d’inflation (prix du PIB) serait en moyenne de 6%, avec une accélération durant 2022 et 2023, contre environ 5% en 2021 »
En effet, le taux d’intérêt (à travers le taux directeur de la BCT) ne constitue pas un instrument efficace pour lutter contre l’inflation en Tunisie. Celle-ci est poussée essentiellement par les coûts qui sont des facteurs liés à l’offre, comme le coût unitaire du salaire (salaire moyen par rapport à la productivité du travail), le taux de change de l’euro et du dollar vis-à-vis du dinar et le cours du pétrole. Cela n’exclut pas l’influence, à court terme, des fluctuations des prix des produits frais et de la spéculation.
Il faut remarquer que la relation décroissante entre le taux de chômage et l’inflation (la fameuse courbe de Phillips fondement théorique de l’inflation) n’existe pas en Tunisie.
Cette relation, qui explique que la hausse du chômage entraîne la baisse relative des salaires et, partant, la désinflation (baisse du taux de croissance des prix), exige un marché de travail où le pouvoir de négociation des salariés est très sensible à la conjoncture.
Cela ne s’applique pas en Tunisie depuis plus d’une décennie, du fait notamment d’un Etat politiquement affaibli (avec une part importante de la population salariée relevant des entreprises publiques et de l’administration), et d’une croissance très faible, voire négative de la productivité du travail.
De ce point de vue, la composante principale de l’inflation, à savoir le coût unitaire du salaire, échappe aux variations du taux de l’intérêt. Et la hausse de ce dernier agit sur le coût du crédit. Elle influence la demande d’investissement. Elle alourdit le coût de la dette des entreprises, déprime la demande globale, baisse le déficit commercial et raffermit le taux de change du dinar.
Cette dernière conséquence est faiblement désinflationniste, comparée au poids des autres variables, à savoir le cours du pétrole, le coût unitaire du salaire et, éventuellement, le « pricing power » des entreprises privées (la boucle salaire-prix).
« La relation décroissante entre le taux de chômage et l’inflation (la fameuse courbe de Phillips fondement théorique de l’inflation) n’existe pas en Tunisie »
Eu égard à ce qui précède, les poussées inflationnistes attendues (prix administrés, subvention des hydrocarbures, cours du pétrole et glissement du dinar) ne devraient pas donner lieu à une augmentation du taux directeur de la BCT, dont la conséquence serait d’entraver la reprise de l’économie, sans avoir pour autant un effet significatif sur l’inflation. Au contraire, le taux directeur devrait diminuer de 1% à 1.5%, loin de l’argument fallacieux relatif à la nécessité que le taux d’intérêt réel soit positif.
Dans ce cadre d’analyse, la lutte contre l’inflation revient à agir sur le coût unitaire du salaire et à rationaliser sérieusement la demande d’importation, notamment celle des biens de consommation.
En outre, la BCT dispose des instruments adéquats (ratios réglementaires des banques, limites à l’endettement, réserves obligatoires sur les crédits à la consommation, etc.) pour atténuer l’éventuel emballement de la demande de crédit. Aussi, c’est sur cette base que pourrait être justifiée l’hypothèse d’un taux d’inflation moyen de 6% sur la période retenue.
A partir des objectifs, des contraintes et des hypothèses retenus, le taux d’endettement public passerait à près de 79.5% en 2025 (avec une baisse relativement faible en 2022, mais qui s’accélère ultérieurement), contre 91% (prévu) en 2021. Cette diminution de près de 11 points est compatible avec un déficit primaire décroissant, soit 2% en 2022, 1% en 2023, 0% en 2024 et un surplus primaire de 0.5% en 2025. Ce schéma implique un déficit budgétaire respectivement de 5.6%, 4.4%, 3.2% et 2.7%, contre plus de 8% (estimé) en 2021.
« Le taux d’endettement public passerait à près de 79.5% en 2025 (avec une baisse relativement faible en 2022, mais qui s’accélère ultérieurement), contre 91% (prévu) en 2021
Tenant compte des recettes fiscales et non fiscales ainsi que du déficit primaire, les dépenses publiques au sens strict évolueraient de 31.5% du PIB en 2022 à 30.5% en 2025.
Quant aux dépenses publiques totales (incluant le service de la dette), elles atteindraient 41.5% en 2025, contre 43.5% en 2022 et 44% en 2021 (prévu).
Par conséquent, le besoin de financement de l’Etat varierait de 14% du PIB en 2022 à 10.5% en 2025, soit respectivement 18.5 et 16 milliards de dinars.
Enfin, le besoin de financement extérieur de l’Etat (sans monétisation de la dette intérieure) serait décroissant et passerait de près de 5 milliards de $ en 2022 à environ 3 milliards de $ en 2025, soit un niveau requis de capitaux extérieurs estimé à 16 milliards de $ sur toute la période, avec une situation financière plutôt tendue en 2022 et 2023.
A titre indicatif, comment se présenterait la demande de financement adressée aux différents bailleurs de fonds ?
On pourrait négocier avec le FMI sur la base d’une enveloppe de 4 à 5 milliards de $, prévoir des crédits auprès des institutions financières multilatérales à concurrence de 6 à 7 milliards de $ (Banque mondiale, BAD, BEI, etc.), recourir à la coopération bilatérale pour des aides de 1.5 à 2.5 milliards de $ et minimiser les sorties sur le marché financier international, soit un maximum de 2.5 milliards de $.
Cela étant, comment évoluerait en conséquence la structure des dépenses publiques au sens strict ?
*La masse salariale progresserait au taux moyen de 4% sur toute la période, de sorte que son poids par rapport au PIB atteindrait près de 15% en 2025, soit une baisse d’environ 2 points par rapport à 2021. Cela ne correspond pas forcément à une diminution annuelle de 2% du pouvoir d’achat du salaire moyen. Tout dépendrait de la variation du nombre de fonctionnaires qui pourrait être plus ou moins forte, suivant les décisions prises en matière de remplacements des départs à la retraite et des départs volontaires ou imposés en contrepartie d’une compensation financière. Toutefois, ces procédures seraient contraintes par les exigences du service public et par les moyens financiers disponibles. Aussi la stagnation du pouvoir d’achat des fonctionnaires, voire même sa réduction (dans une faible proportion) seraient-elles envisageables.
« Tout dépendrait de la variation du nombre de fonctionnaires qui pourrait être plus ou moins forte »
*A part les dépenses en moyens des services (qui sont relativement faibles, autour de 2 milliards de dinars par an), l’autre composante des dépenses publiques est formée par les interventions publiques et les dépenses d’équipement. Cette composante, qui représentait en moyenne près de 42.5% des dépenses publiques sur 2015-2020, et seulement 39% en 2021 (prévus par la LF), grimperait à 44.5% en 2022, 47.5% en 2023, 46% en 2024 et 44.5% en 2025.
L’évolution de cette composante traduit deux objectifs principaux : booster la relance économique et lutter contre la pauvreté et la précarité. Le premier objectif serait atteint par l’augmentation significative des dépenses d’équipement (notamment l’investissement direct de l’Etat et le financement public) qui passeraient de 12 milliards de dinars en 2022 (45% de croissance), à 15.5 milliards en 2023 (29% de croissance), pour se stabiliser autour de 16.5 milliards en 2024 et 2025.
Cette forte augmentation est dictée par l’importance de l’investissement public dans la relance de l’activité économique. Elle est également dictée par les conséquences de la restructuration graduelle des entreprises publiques qui exige, entre autres, la recapitalisation de certaines unités.
Quant aux interventions publiques, leur niveau annuel serait décroissant et la moyenne sur la période se situerait à plus de 5.5 milliards.de dinars. Cela suppose que la réforme de la compensation des produits de base a été finalisée en 2022, par le ciblage des ménages bénéficiaires de subventions de compensation et par l’augmentation graduelle des prix administrés concernés.
Les subventions sur les prix des hydrocarbures sont supposées disparaître progressivement à l’horizon 2023 (à quelques exceptions près). Ainsi et à part les interventions à l’adresse de certains organismes comme la CNRPS, l’économie réalisée sur la réforme de la compensation et sur les subventions des hydrocarbures permettrait d’augmenter très sensiblement le budget alloué à la solidarité, et de lutter efficacement contre la pauvreté et la précarité.
Politique économique avec des contraintes assez fortes
Par rapport au précédent scénario, il est envisagé un durcissement possible des contraintes qui concernerait les variables suivantes :
- Les poussées inflationnistes seraient plus fortes, de sorte que la moyenne sur la période se situerait à près de 6.7%, contre 6% en 2021, avec une accélération en 2022 et 2023. Ce serait la conséquence d’un cours du pétrole plus élevé, d’un glissement du dinar plus fort, d’une augmentation des prix administrés et d’une baisse de la subvention des hydrocarbures moins progressives que dans le scénario précédent.
- Le glissement du dinar serait plus important, où le panier composé de l’euro et du dollar serait réévalué de 15% sur l’ensemble de la période (à cause d’une plus forte inflation et probablement d’une exigence du FMI).
- Les taux d’intérêt apparents extérieur et intérieur seraient plus élevés, soit en moyenne respectivement 3.8% et 7%, contre 3% et 6.25% dans le précédent scénario.
- La baisse de quelques 10 points du taux d’endettement est compatible avec une réduction du déficit primaire qui atteindrait 2% en 2022, 0% en 2023, un surplus de 0.5% en 2024 et 1% en 2025.
Sur cette base, le déficit budgétaire resterait pratiquement au même niveau que dans le scénario précédent. C’est également le cas pour le taux des dépenses publiques et le taux du besoin de financement total, de sorte que le besoin de financement extérieur de l’Etat se situerait à près de 17.5 milliards de $.
La sollicitation des bailleurs de fonds serait plus difficile que dans le cas précédent. Et cela pourrait demander des sorties plus importantes sur le marché financier international (3.5 milliards de $), avec le risque et le coût que cela entraîne.
Il serait toutefois souhaitable de garder le même schéma de financement que dans le cas précédent, en monétisant la dette intérieure (option souvent rejetée par le FMI) à hauteur de 4,5 milliards de dinars sur 2022- 2023, années budgétaires plutôt difficiles.
S’agissant de la structure des dépenses publiques au sens strict, la masse salariale progresserait au taux moyen de 5% sur 2022-2023 et de 7% sur 2024-2025, de sorte que son taux par rapport au PIB serait décroissant et atteindrait 14.5% en 2025. L’analyse précédente relative au pouvoir d’achat des fonctionnaires reste valable pour l’essentiel.
Dans ce cas, les interventions publiques et les dépenses d’équipement par rapport aux dépenses publiques s’ajusteraient autour de 44.5% en 2022, 45% en 2023, 46% en 2024 et 2025. Par rapport au scénario précédent et tenant compte de l’inflation, les interventions publiques seraient en moyenne de 6.5 milliards de dinars.
Ce qui impliqueraient des dépenses d’équipement au niveau de 12 milliards en 2022, 14 milliards en 2023, 16.5 milliards en 2024 et 18.5 milliards en 2025. Ainsi, les marges de manœuvre budgétaires permettraient une forte relance de l’investissement public. Elles autoriseraient également une lutte significative contre la pauvreté et la précarité.
Pour conclure …
Les deux politiques économiques précédemment analysées n’ont pour ambition que de proposer une orientation à moyen terme de l’action publique, dans un cadre cohérent, permettant un endettement public soutenable, une diminution raisonnable du poids de la masse salariale des fonctionnaires, tout en luttant contre la pauvreté et la précarité, et tout en augmentant significativement l’investissement public (près 10% du PIB en moyenne contre 6% sur 2013-2019, 6.5% en 2020 et 6.9% en 2021).
En outre, ces politiques de désendettement de l’Etat prennent parti pour le long terme. En effet, la hausse de l’investissement public étant, le déficit budgétaire net (sans l’investissement public) est un bon indicateur de l’effort consenti par les pouvoirs publics pour se désendetter et pour consacrer l’emprunt public exclusivement à l’investissement, dans une proportion décroissante.
Cela implique que le déficit budgétaire net doit être négatif, soit un surplus budgétaire net. Ce dernier serait en moyenne de 6.5% du PIB dans le premier scénario et de 5.7% dans le second. Ce qui permet en moyenne de financer l’investissement à hauteur respectivement de 62% (75% en 2025) et de 59% (73% en 2025) sur les ressources propres de l’Etat.
Cela est radicalement différent de la politique suivie ces dernières années où le surplus ne finance en moyenne que 4% de l’investissement sur 2013-2019, soit 96% par l’emprunt.
La situation se dégrade davantage en 2020 et 2021 où le surplus est négatif C’est-à-dire que l’emprunt public finance entièrement l’investissement, et que l’équivalent de 5.2% du PIB en 2020 et de 1.1% en 2021 sont également empruntés pour financer les dépenses de fonctionnement. Sans commentaires…
Les politiques proposées ont un coût social relativement raisonnable (ça reste un jugement de valeur), supporté par les fonctionnaires de l’Etat et par la classe moyenne en général, du fait de la plus faible indexation des revenus sur l’inflation et de l’élargissement de l’assiette fiscale.
« Les deux politiques économiques précédemment analysées n’ont pour ambition que de proposer une orientation à moyen terme de l’action publique »
Cela suppose que l’UGTT accepte les conséquences relatives à l’évolution de la masse salariale des fonctionnaires, surtout que cette évolution relève des requêtes pressantes du FMI.
En outre, la Centrale syndicale ne peut imposer ses exigences en matière de privatisation sans assumer sa part de responsabilité quant aux marges de manœuvre du budget de l’Etat. Pour le reste, cette importante et honorable organisation nationale gagnerait à ne pas se focaliser quasi exclusivement sur les intérêts des salariés occupés, et devrait s’intéresser également et plus explicitement à la pauvreté, à la précarité et aux intérêts des chômeurs.
Dans le cadre imparti à cette analyse, la relance économique est saisie du seul point de vue de l’investissement public, même si cet aspect est très important par son effet multiplicateur sur le reste de l’économie. Les actions publiques permettant d’élever la croissance potentielle (réforme de la santé, de l’enseignement, de la recherche et de la formation professionnelle, soutien des filières d’avenir, promotion de la digitalisation, accélération de la transition énergétique et écologique, etc.) devraient être engagées progressivement durant la période retenue, afin que l’économie s’ajuste, au-delà de 2025, sur un sentier de croissance supérieur à 4%.
« La Centrale syndicale ne peut imposer ses exigences en matière de privatisation sans assumer sa part de responsabilité… »
Il reste que les politiques proposées exigent un gouvernement formé de personnalités politiques relativement indépendantes, ayant des compétences et une expérience avérées dans la conduite de l’action publique (notamment en matière économique). Ce gouvernement devrait être dirigé par une personnalité charismatique dont le leadership est reconnu.
Si le gouvernement actuel a théoriquement le pouvoir d’appliquer des politiques économiques telles que celles préconisées, en revanche, il est légitime de se demander s’il possède les compétences et l’autorité de les faire accepter. Il est permis d’en douter.
La formation d’un nouveau gouvernement, ayant les qualités requises et capable de résister aux revendications excessives, incombe au Président de la république, dans le sens que pour ce faire, il a la possibilité de choisir entre deux options : soit dialoguer avec les partis qui soutiennent l’actuel gouvernement. Ce qui semble peu probable tant le différent avec les partis Ennahdha et elkarama est profond ; soit dialoguer directement ou indirectement avec le reste des blocs parlementaires (qui ont la majorité). Ce qui est possible, pour autant que les organisations nationales, à leur tête l’UGTT, fassent pression dans cette direction.
Dans tous les cas, le Président de la république doit savoir que s’il veut dénouer cette grave crise politique, le dialogue avec qalb tounis, en tant que pierre angulaire dans ce processus, est incontournable.
Si d’aventure, le Président Saïed campe toujours sur ses positions, il assumera alors les conséquences économiques et sociales de la paralysie de l’Etat, car « tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse ».