La visite « inopinée » que le président de la République rendait, samedi 1er mai à la zone militaire de Chaâmbi n’est pas fortuite. Kaïs Saïed cherche-t-il des appuis pour une éventuelle offensive contre la gangrène de la corruption. Laquelle ronge une certaine classe politique, ainsi qu’un certain cercle mafieux des affaires ?
Bonjour les spéculations. Depuis le jeudi 22 avril dernier, date où le président de la République a accordé une audience au ministre égyptien des Affaires Etrangères, il est aux abonnés absents.
Silence radio du côté du palais de Carthage qui alimente les théories les plus folles. Pas de prières de tarawih. Pas de petit capucin qu’il affectionne de siroter dans un café du quartier populaire de Mnihla. Pas de visite à son coiffeur préféré en présence des caméras, bien entendu.
Arme de destruction massive
Alors où est passé le Chef de l’Etat? Est-il en train de concocter un coup de blitz, une attaque éclair contre le Mal qui gangrène le pays? Soit une certaine classe politique rongée par la corruption et l’argent sale passé par la lessiveuse de la contrebande et du blanchiment d’argent? Tout porte à croire que le Président n’ira pas au front les mains vides puisqu’il détient « une arme de destruction massive ». A savoir le brûlant dossier des milliards détournés depuis 2011 par « ceux qui seraient aujourd’hui même aux commandes du pays. »
Une visite vraiment « inopinée » du Président de la République ?
Et c’est apparemment dans ce cadre que s’inscrit sa visite « inopinée » du 1er mai au gouvernorat de Kasserine. Au cours de laquelle il a partagé le repas d’« Iftar » avec les unités de la Garde nationale dans la zone militaire de Chaâmbi, bastion de la lutte contre le terrorisme qui frappe sporadiquement notre pays. Pour mettre les forces armées sous l’aile présidentielle?
Le Président, seul maître à bord
Encore une fois, Kaïs Saïed met l’accent sur l’importance de préserver l’unité de l’Etat. Et il rappelle que les forces armées, militaires et sécuritaires, sont sous le commandement du président de la République. Et ce, en sa qualité de commandant suprême des forces armées.
« Le vrai danger provient, non pas des actes terroristes ou de ceux qui les commandent; mais du risque de divisions au sein de l’Etat et des tentatives de lui porter préjudice de l’intérieur. Et ce, sous couverture des interprétations d’un texte constitutionnel ou juridique. Mais qui, au fond, n’est pas moins terroristes que ceux qui se barricadent dans les montagnes ou ceux qui les activent de temps à autre ». Ainsi, martelait le Président à cette occasion.
On notera à ce propos que le président de la République a prononcé un discours identique lorsqu’il déclarait le 18 avril, à l’occasion de la commémoration du 65ème anniversaire de la fête des forces de sécurité intérieure, être « le commandant suprême de toutes les forces armées et non seulement des forces militaires ». Une profession de foi qui souleva un tollé, notamment dans les rangs du parti islamiste d’Ennahdha et ses sbires de la coalition hétéroclite d’Al Karama. Et pour cause.
Un rapport explosif
Faudra-t-il rappeler à cette occasion le rapport-tsunami émanant de l’Union européenne sur la valeur de l’argent spolié en Tunisie entre 2011 et 2019 et que la présidence de la République a décidé de publier prochainement?
En effet, « 10,500 milliards de dinars ont été détournés en dehors de la Tunisie, via des comptes secrets et des sociétés écran. Outre la disparition de 80 milliards DT, valeur des crédits accordés à la Tunisie ». Ainsi confirmait le président de la Commission parlementaire de la Réforme administrative, de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, Badreddine Gammoudi. Et ce, via un statut rendu public sur sa page officielle FB dans la soirée de jeudi 29 avril 2021. Des chiffres qui donnent le tournis.
Toujours selon le poste de ce député, « une liste comportant 376 personnes impliquées dans le détournement de fonds et la spoliation des richesses sont, en majorité, au pouvoir actuellement. Ainsi que 50 hommes d’affaires des familles appartenant aux familles au pouvoir et qui financent les partis politiques qui leur sont proches ».
Mais sachons raison garder. Car, s’il s’avère que les informations contenues dans le fameux rapport de l’Union européenne et relayées par M. Gammoudi étaient authentiques, l’on assisterait à un véritable séisme. Et ce, aussi bien dans la classe politique que dans les cercles des affaires. Avec des têtes qui tomberont par la force des choses.