La situation sanitaire, économique et sociale dans le pays est des plus graves. Et nos gouvernants de moins en moins capables d’y faire face. Déjà avant la pandémie, ceux qui se sont succédé aux postes de responsabilité n’ont rien fait d’autre que de rivaliser d’irresponsabilité. Depuis 2011, chaque gouvernement lègue à son successeur une situation pire que celle qu’il a reçue de son prédécesseur. Cette règle établie par la « glorieuse révolution tunisienne » n’a jamais été démentie depuis le gouvernement de Hammadi Jebali, jusqu’à celui de Hichem Mechichi.
Depuis une décennie, des centaines de ministres ont juré, la main sur le Coran, qu’ils respecteront la Constitution et qu’ils œuvreront dans l’intérêt de la Tunisie et de son peuple. Et tous nos gouvernants, sans exception, ont œuvré dans leur propre intérêt et celui de leurs proches. Grâce aux centaines d’irresponsables qui se sont succédé au pouvoir depuis le 23 octobre 2011 (date des élections de la Constituante), le pays est à genoux, l’économie à vau-l’eau. Les riches moins riches, les pauvres plus pauvres et l’avenir plus incertain et plus sombre que jamais.
Entre le marteau et l’enclume
De tous les gouvernements, exagérément nombreux, qui se sont succédé en une décennie, celui de Hichem Mechichi est le plus malchanceux. Il n’est ni moins incompétent que ses prédécesseurs ni plus engagé qu’eux à servir les intérêts de la Nation et du peuple. Il est seulement plus malchanceux. Mais il est coincé entre d’un côté le marteau de l’exacerbation sans précédent de la crise économique et financière; et de l’autre l’enclume de l’exacerbation, sans précédent aussi, de la pandémie de Covid-19.
Que peut faire dans ces conditions un gouvernement qui ne brille ni par la compétence ni par la lucidité? Que peut-on attendre d’un gouvernement privé de nombre de ses ministres pour cause de déchirements politiciens au sommet de l’Etat? Rien du tout.
Ainsi, le pays et son peuple sont livrés à eux-mêmes. La Tunisie est dans la situation d’un navire pris dans une violente tempête; avec des passagers terrorisés, un équipage sans boussole et un gouvernail détraqué.
La politique consiste à prendre les décisions adéquates et à mettre en œuvre les moyens de les appliquer. Elle consiste aussi en un minimum de cohérence et d’harmonie entre les différentes structures de l’Etat. Mais on est loin, très loin d’une telle définition de la politique. D’ailleurs, à voir le comportement d’une frange de nos concitoyens et de la totalité de la classe politique, on ne peut que faire le constat amer que tout baigne dans l’ineptie et l’absurde.
Une question de vie ou de mort
Juste après l’annonce vendredi dernier de la décision du confinement général, des milliers de citoyens ont envahi les gares routières. Attroupements et bousculades dans les gares routières autour des autobus et des voitures louage. Et ce, dans le mépris le plus total des règles élémentaires de protection contre la pandémie. C’est à croire que, pour ces citoyens, passer les fêtes de l’Aïd en famille est une question de vie ou de mort. Une urgence face à laquelle la protection de soi et de sa famille contre le virus mortel n’a aucune espèce d’importance. Et dans toute cette cacophonie où étaient nos gouvernants?
Ne manquait à ce spectacle inepte que la visite du chef du gouvernement à l’une de ces gares routières. Il ne s’est pas contenté de constater les dégâts provoqués par sa décision impromptue de confinement général. Il a eu cet échange pathétique avec un citoyen qui cherchait désespérément à rejoindre sa famille à Kasserine: « Promets-moi que tu n’embrasseras aucun membre de ta famille en arrivant et que tu respecteras les règles de protection contre le virus. » « Je vous le promets », répondait le citoyen…
L’irresponsabilité n’est pas seulement du côté des citoyens. Après tout, pourquoi leur jeter la pierre quand on voit les plus hauts responsables de l’Etat se soucier comme d’une guigne des règles élémentaires de protection contre le virus?
Le président de la République ne s’en soucie pas dans ses bains publics, dans ses déplacements pour faire ses prières dans les mosquées; ni quand il prenait un enfant dans ses bras et l’embrassait avec effusion!
Le président du parlement s’en soucie encore moins quand, de retour du Qatar, il ne s’est astreint à aucun confinement réglementaire. Pire encore, il a pris le chemin de Kasserine pour assister aux funérailles d’un cadre d’Ennahdha. Au moment où on interdit aux citoyens ordinaires d’accompagner leurs morts jusqu’à leur dernière demeure!!
N’est-ce pas indécent de traiter les citoyens d’irresponsables quand nos gouvernants le sont encore plus?