Les informations qui découlent des différentes sources nationales et étrangères confirment que le Gouvernement a bien ficelé son plan pour convaincre le FMI. Côté mesures fiscales, passage obligatoire pour un pays qui n’a pas la réputation d’être équitable en la matière. La démarche envisagée n’est pas erronée sur le papier. Elle a certainement ses limites, mais tout dépendra de la manière dont elle sera légiférée et appliquée.
Les mesures fiscales phares que l’Etat compte proposer peuvent être résumées en huit principaux points.
Les chantiers envisagés
– Accélérer le recouvrement des créances fiscales, surtout celles faisant l’objet de contentieux judiciaires. Ce qui rapporterait 1 000 MTND sur les sept prochaines années. Pour faciliter la réalisation de cet objectif l’administration fiscale pourrait accorder des facilités de paiement et une amnistie des pénalités fiscales. L’administration fiscale serait plus souple dans le traitement des dossiers de sorte à raccourcir au maximum les délais des procédures.
– La généralisation de la TVA à un maximum de produits et de contribuables. En établissant un taux de droit commun (19%) et un taux réduit (7%) dont l’utilisation sera élargie.
– L’instauration de l’impôt sur les sociétés à deux taux, 10% et 15%; et la suppression du taux de 35%. En contrepartie, une redevance de 2% sur le chiffre d’affaires pour les activités régies par une autorisation administrative et réglementée sera mise en place.
– Une révision des avantages fiscaux au titre des bénéfices réinvestis.
– La réduction du nombre des bénéficiaires du régime forfaitaire et la création d’un régime simple des micro-entreprises dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 300 000 TND. Celles-ci doivent par contre tenir une comptabilité.
– Accélération de la mise en place des caisses enregistreuses dans les commerces qui vendent des produits de consommation sur place.
– Instauration d’un impôt foncier indexé sur la valeur des immeubles revenant aux personnes physiques qui dépassent un seuil déterminé.
– La révision du barème de l’IRPP à travers le plafonnement de l’imposition à 25%. De même que l’augmentation de la tranche exonérée, la diminution du taux moyen effectif de deux points et la révision des déductions communes.
Un jeu à somme nulle pour les personnes physiques?
A première vue, ce plan de la Tunisie n’est pas totalement en contradiction avec les grandes lignes requises par les experts. De plus, il semble s’orienter plus vers une plus grande équité fiscale, en attendant que la pratique le confirme.
Parmi les bons éléments à retenir, il y a la révision du barème de l’IRPP qui aura pour effet d’augmenter mécaniquement les revenus nets des foyers. Mais cela risque d’être un jeu à somme nulle avec une base plus large pour la TVA. La combinaison de toutes les mesures, y compris la baisse de la compensation, la hausse des prix et des revenus ne peut théoriquement que conduire à une inflation galopante. Une demande rationalisée pourrait calmer ces tendances, mais rien ne pourra stopper le rythme de cherté de la vie.
L’autre mesure touchant les personnes physiques est l’impôt foncier qui déclenchera, de nouveau, le débat sur l’imposition des fortunes. En pratique, les propriétaires devraient logiquement exiger des loyers plus élevés, ce qui ne fait pas l’affaire des locataires.
Des recettes fiscales récurrentes valent mieux que des taux élevés
Pour les entreprises, la principale mesure concerne celles soumises à une imposition de 35%. Soit essentiellement les établissements de crédits, les compagnies d’assurance, la grande distribution, les concessionnaires automobiles et les opérateurs de télécommunication. L’idée de baisser le taux de l’IS et de le compenser par une redevance sur le chiffre d’affaires n’est pas très mauvaise pour l’Etat. Ensemble, ces secteurs dégagent des revenus d’environ 15 milliards de dinars, ce qui permettrait de dégager une belle recette fiscale.
Le plus important c’est que le chiffre d’affaires de ces entités reste généralement stable même lors des périodes difficiles. Cependant, les bénéfices imposables fluctuent. Penser à taxer les revenus traduit une volonté de dégager des recettes fiscales récurrentes, qui donnent de la visibilité pour l’Etat. Il ne faut pas oublier que le passage envisagé aux IFRS pour les établissements financiers et le resserrement attendu au niveau des normes prudentielles pourraient mettre sous pression les bénéfices à partir de cette année, au moment où ces établissements sont le moteur de l’IS. Se protéger contre une nouvelle baisse potentielle des ressources fiscales avant de mener ces réformes s’impose.
Reste maintenant à transformer ces intentions en lois. Les bonnes idées ne manquent pas, mais qui va les approuver? Ces mesures ne sont pas seules, et il y a toute une longue série de décisions impopulaires à approuver avec. C’est tout un programme qui risque d’être rejeté par une classe politique qui a ses propres calculs.